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L’incroyable histoire de "La meule", de Claude Monet

6 Juillet 2011
Simon Nahmani
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En 1994, Simon Nahmani, à l’époque, galeriste parisien, acquiert pour 2 500 francs à Drouot, lors d’une vente « hors catalogue », un tableau très prometteur. Si celui-ci s’avérait être ce qu’il semble être : un Monet, « La Meule » (soleil couchant, gelée blanche) peinte en 1891, ce serait l’affaire de sa carrière pour lui.

Le certificat : le sésame d’authentification

L’incroyable histoire de "La meule", de Claude Monet
Mais avant toute chose, il doit être authentifié. Il le présente chez Sotheby’s à la section « impressionnisme ». Hélas, Sotheby’s le renvoie vers l’institut Wildenstein, l’expert spécialiste de Monet. À l’occasion d’une rencontre avec Charly Nadjar, habitué comme lui de la salle Drouot, qui lui propose de présenter le tableau à l’institut Wildenstein, moyennant une commission non négligeable, comme il se doit en pareil cas.

Charly Nadjar entreprend ses démarches pour rencontrer rapidement l’institut Wildenstein : envoi d’un courrier de prise de rendez-vous le 3 mars 1995, qui a lieu le 28 mars 1995.
Lors de ce rendez-vous, Daniel Wildenstein, après avoir minutieusement examiné le tableau, exprime son verdict : le Monet n'en est pas un. D’après lui, plus probablement, il s’agirait d’une copie effectuée par sa belle-fille, Blanche Hoschedé. Par un courrier daté du 9 mai 1995, il confirme son verdict à Charly Nadjar.

Revente du tableau par Simon Nahmani

Simon Nahmani, fort déçu, décide de revendre le tableau. Il trouve un acquéreur auprès d’un certain Gernot Distler, citoyen allemand résidant dans un petit village de Rhénanie, vendeur d’objets de luxe (voitures, œuvres d'art…). Le tableau est cédé pour 50 000 Fr. Nous sommes en 1995.

Douze ans se passent : en 2007, Simon Nahmani apprend qu'une « Meule » présentée comme étant de Claude Monet, identique au tableau vendu en 1995 à Distler, est en vente aux Etats-Unis. Le tableau est proposé pour 13 millions de dollars à Monsieur Randolph Lerner, collectionneur d’art américain. Guy Wildenstein, qui est à la tête de l‘institut Wildenstein depuis la mort de son père Daniel (décédé en 2001) a délivré, en 2005, un certificat authentifiant le tableau « La meule » comme un Claude Monet.

Rebondissement : ce qui n’était pas un Monet en devient un !

On imagine sans peine, la stupeur et la colère de Simon Nahmani, réalisant qu’il a vendu en 1995 un chef-d’œuvre, alors que l’institut Wildenstein avait affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un Monet. Une seule question vient à l’esprit de Simon Nahmani : Comment Distler a-t-il obtenu le certificat tant convoité qui a fait du tableau un authentique Monet ? Simon Nahmani se retourne et demande des comptes à Gernot Distler, son acheteur. Celui-ci a cédé « La meule » pour un montant tenu secret, mais il offre une contrepartie à Simon Nahmani pour acheter son silence médiatique et juridique. Un geste qui exprime un non-dit à partir d’un acte qui sonne comme un aveu.

De son côté, l’Institut Wildenstein, esquive toute implication en faisant savoir qu’il n’a rien à voir avec cette histoire. Or, il ressort que pour prétendre que le tableau est bien un Monet, l’Institut Wildenstein s’est appuyé sur une expertise scientifique de « Institut d’art, conservation et couleur ». N’est-ce pas laisser apparaître implicitement, que l’Institut, en 1995, s’était trompé et que Simon Nahmani possédait bien un chef-d’œuvre de Claude Monet et que donc, quelque part, la vente effectuée à Gernot Distler, à cette époque, était sans commune mesure avec la valeur réelle du tableau ?

"La Meule" de Monet poursuit une carrière d’authentique chef-d’œuvre

C’est ainsi, que nous retrouvons « La Meule » dite de Monet en exergue au musée Marmottan, lors du vernissage de « L'œil impressionniste » le 15 octobre 2008. La « Meule » vient de faire son entrée au musée en étant intégrée au catalogue édité pour l'occasion. Cette toile qui telle un frère jumeau est à s’y méprendre, identique à celle de Simon Nahmani, avec toutefois, une différence de taille : 8 centimètres de largeur manquent ! De même que l'historique du tableau ne figure pas au catalogue, bien que toutes les autres œuvres en disposent.

Sur ce sujet, citons Le Point dans son article du 5 mai 2011 qui « i[…avait interrogé le directeur du musée sur cette anomalie dans les dimensions du tableau. Jacques Taddéi, qui dirige Marmottan depuis 2007, invoque « une coquille » au moment de l'impression. Coquille qui réapparaît dans les catalogues des deux expositions suivantes, en 2010 et 2011.

Par ailleurs, on constate que « La meule » change de statut de façon régulière. Ainsi, en deux ans d'intervalle, elle a successivement été étiquetée « BogArt Collection », « Paris Musée Marmottan Monet prêt permanent de la BogArt Collection », puis « BogArt Collection Ltd., en dépôt au musée Marmottan Monet ».

L’empire Wildenstein

On peut toutefois s’interroger sur la nature des liens entre l’institut Wildenstein et Marmottan : Daniel Wildenstein, le père, n’a-t-il pas été près de trente ans membre de l'Académie des beaux-arts, qui gère le musée ? Et n’est-ce pas l’institut Wildenstein qui lance, en 2007, les travaux qui ont permis à Marmottan d'exposer la collection d'enluminures léguées quelques années auparavant par ce même institut ?

L’emprise notoire de l’institut Wildenstein sur le marché de l’art lui confère une position dominante avec des pratiques qui apparaissent pour le moins particulières et douteuses. Il suffit de voir le nombre de litiges liés à l’institut Wildenstein. Ecoutons Me Dumont-Beghi, ancienne avocate de Simon Nahmani : « Grâce à des trusts nichés dans les paradis fiscaux, les tableaux passent de main en main loin des regards indiscrets. Et ils changent parfois d'auteur au gré des expertises. Entre marchands d'art et experts, la frontière est trop poreuse. Quand celui qui vend ou achète est aussi celui qui décide de l'authenticité de la toile, on flirte avec le conflit d'intérêts. ».

Pour le nouvel avocat de Simon Nahmani, Jean-Luc Chetboun, avocat et docteur en droit, « ce dossier met en relief toute la problématique de la place de l’expert sur le marché de l’art. Le législateur sera dans l’obligation un jour de le réglementer, le droit étant le gardien du temple de l’art ».



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