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Le vieillissement est réversible

14 Août 2012
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1er novembre 2011. Les médias français publient une information, intitulée par RFI : "Des scientifiques français touchent du doigt le secret de la jeunesse éternelle". Le vieillissement du corps est celui des milliards de cellules qui le composent. Les cellules ont une vie … et une mort. Elles se perpétuent pendant la vie en se divisant régulièrement, de 60 à 100 fois, mais le rythme de leur renouvellement se ralentit progressivement, et à la fin, épuisées, elles ne peuvent plus se diviser, on dit qu’elles sont "sénescentes". Leur fonctionnement se dégrade, et finalement un gène provoque leur mort. Ce suicide de la cellule s’appelle l’apoptose.

Cellules souches

Le vieillissement est réversible
Et voici ce qu’a réalisé Jean-Marc Lemaitre, directeur de recherche à l’INSERM-CNRS : il a pris un échantillon de cellules sénescentes de personnes très âgées, jusqu’à plus de 100 ans, et il les a « reprogrammées » in-vitro, en obtenant des cellules souches pluripotentes, celles que l’on trouve dans l’embryon, qui peuvent se transformer en cellules de n’importe quel organe du corps. Conclusion : le vieillissement est réversible. Au-delà de la question philosophique, cette avancée a des avantages : plus de problème de compatibilité avec le donneur, et pas d’interrogation éthique comme avec les embryons humains.

Ces cellules souches permettront la réparation de tissus lésés du donneur, même très âgé, comme par exemple, le myocarde après un infarctus. Mais le labo de Jean-Marc Lemaitre a fait peut-être plus fort encore. Il a rajeuni toutes les cellules d’une souris (y compris celles du cerveau)… et la souris elle-même (les tissus lésés par l’âge ont été réparés). In vivo cette fois, bien sûr. Cela a été possible grâce à la découverte par trois chercheurs américains en 1985 d’une enzyme, la télomérase, qui leur a valu un prix Nobel en 2009. On a en effet mis en évidence un mécanisme qui explique le vieillissement des cellules (qui a également d’autres facteurs).

Et chez la souris, ça marche !

Lorsque celles-ci se divisent pour se reproduire, les extrémités de leurs chromosomes, appelées « télomères », se raccourcissent, et lorsque les télomères deviennent trop courts, la cellule ne peut plus fonctionner et meurt. On a ainsi identifié le mécanisme de l’horloge du vieillissement. Deux catégories de cellules font exception : les cellules sexuelles et les cellules cancéreuses, dont les télomères restent intacts, permettant à ces cellules de ne pas vieillir.

Ceci est rendu possible par la télomérase générée par ces cellules lors de leur division, qui « répare » les chromosomes abimés ou tronqués, en les reconstituant d’après le modèle de chromosome de l’origine, que la cellule garde stocké. D’où cette idée : en activant le gêne de la télomérase dans toutes les cellules (grâce par exemple à un médicament, le 4-OHT), on devrait permettre le rajeunissement de toutes les cellules. Et chez la souris, ça marche !

Des risques de cancer

Jean-Marc Lemaitre, directeur de recherche à l’INSERM-CNRS
Jean-Marc Lemaitre, directeur de recherche à l’INSERM-CNRS
Cependant, cette activation crée des risques de cancer. Pas chez les cellules saines, dont les versions rajeunies seront au contraire renforcées contre le cancer (qui provient de la détérioration de l’ADN), ni de celles déjà cancéreuses (qui le resteront) mais de cellules déjà détériorées, en situation pré-cancéreuse. L’obstacle majeur à ce rajeunissement est donc le risque de cancer, et les scientifiques essaient de trouver une solution ayant prouvé son innocuité vis-à-vis du cancer.

Il y a une piste intéressante que des équipes françaises (notamment) explorent : puisqu’on ne peut éviter de nouveaux cancers, on va essayer de les supprimer, en inhibant temporairement après une phase de rajeunissement la production de télomérase. Cela ne gênera pas les cellules non cancéreuses, qui n’en produisent pas (à l’exception des cellules sexuelles et de quelques autres qui devront supporter de vieillir un peu pendant cette inhibition, vieillissement qui sera effacé lors du retour à la normale).

Mais sans télomérase, les cellules cancéreuses auront perdu leur immortalité, et comme leurs télomères sont plus courts que ceux des cellules normales, et qu’elles se divisent plus fréquemment, elles seront atteintes par la limite d’âge bien avant les cellules normales, et disparaitront donc sélectivement. Il faudra quand même attendre plusieurs années chez l’homme. Ce qui est supportable, car une tumeur cancéreuse n’est pas perceptible tout de suite. Il faut 10 ans pour qu’une cellule maligne se soit divisée suffisamment pour atteindre le milliard de cellules, qui correspond à une tumeur de 1 cm de diamètre, et ce délai est suffisant pour que le cancer ait été éliminé par raccourcissement des télomères avant d’avoir été nocif. Le traitement d’inhibition de la télomérase devrait donc être pris à titre préventif, par exemple après une régénération des cellules par la télomérase. De nombreuses pistes d’inhibition de la télomérase sont explorées, et les auteurs de ces travaux placent de grands espoirs dans les traitements qu'ils préconisent.

Applicable à l’homme ?

L’autre obstacle est que le modèle souris est assez différent du modèle humain, qui est plus complexe. Ce pourrait être aussi dans certains cas une circonstance favorable. Par exemple, la souris, qui ne vit que deux ans, garde de la période embryonnaire une quantité non négligeable de télomérase. Une équipe américaine (Ronald DePinho, du Dana-Farber Cancer Institute de Harvard, Boston, récemment promu « President of the University of Texas MD Anderson Cancer Center ») a supprimé cette télomérase résiduelle. Les souris ont vieilli et sont mortes plus vite que la normale (montrant que la télomérase avait un effet positif sur le vieillissement).

Mais justement, les cellules normales de l’homme n’en contiennent pas, ce qui laisse espérer un effet de rajeunissement par la télomérase plus marqué chez l’homme que chez la souris. Puis des souris vieillies ont été traitées pendant 1 mois pour que toutes leurs cellules produisent de la télomérase, avec comme résultat un rajeunissement stupéfiant, effaçant tous les désordres physiques dus au vieillissement (« What really caught us by surprise was the dramatic reversal of the effects we saw in these animals », a déclaré R. DePinho, parlant d’un effet « Ponce de Leon » (allusion à l’explorateur espagnol Juan Ponce de Leon qui avait découvert la Fontaine de Jouvence !).

Les résultats obtenus par les deux équipes (DePinho et Lemaitre) sont identiques quant au forçage de la télomérase chez la souris: un rajeunissement général, mais avec développement de tumeurs agressives. Cependant, l’équipe américaine est allée plus loin : elle a inhibé la production de télomérase après un rajeunissement, avec un résultat spectaculaire : l’extinction des cancers, après raccourcissement suffisant des télomères. Mais après répétition du cycle activation-passivation de la télomérase, une adaptation des cellules cancéreuses a entrainé le maintien de l’intégrité du télomère, mettant en échec l’extinction des cancers. L’équipe américaine a expliqué ce phénomène, et en inhibant un gêne, le « PGC-1 ß », un très bon résultat a été obtenu. Cela signifie-t-il que le cancer a été éradiqué ? On ne le sait pas : au lieu de donner les chiffres de survie des souris comme dans le reste du rapport, celui-ci se contente d’indiquer que les souris traitées ont vécu beaucoup plus longtemps, « much longer than those with intact PGC-1ß and than those with activated telomerase in their tumors ».

Des conséquences inattendues

Voilà qui est clair : des souris cancéreuses ont, après traitement, vécu beaucoup plus longtemps que des souris cancéreuses non traitées. Le traitement a donc été efficace contre le cancer. Cela, M. DePinho ne veut pas le dire. Ou ne peut pas ? Prudence scientifique ? Mais une attitude scientifique implique de dire les faits, pas de les cacher. Leur a-t-on demandé de se taire ? Il faut dire que la confirmation de cette situation signifierait qu’on a trouvé un traitement susceptible d’être efficace pour tous les cancers (chez la souris du moins).

Une révolution … et un désastre pour l’industrie pharmaceutique dont les anti-cancéreux comptent parmi leurs principaux "blockbusters" (qui rapportent beaucoup). Un succès qui ouvrirait aussi la porte à la fin du vieillissement … un désastre pour les États cette fois, qui ne sauraient plus quoi faire de l’augmentation des bouches à nourrir, de la grande majorité des personnels de santé et d’éducation devenus inutiles. Mieux vaudrait que la mort continue à faire son ménage !

La télomérase et ses effets ont été découverts il y a plus de 25 ans, et c’est dès cette époque qu’on aurait dû en déduire ses effets potentiels de rajeunissement et anti-cancéreux. Mais finalement, cela sort, plus rien ne l’empêchera. Nous demandons aux dirigeants français une attitude conquérante sur ce dossier.



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