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« Le recul des transactions immobilières n’a rien d’alarmant »

20 Juillet 2018
Propos recueillis par Antoine Balduino
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À mi-parcours de cette année 2018, quel bilan tirer de l’évolution du marché immobilier hexagonal ? Et quelles sont les perspectives pour la suite ? Éléments de réponse avec Michel Mouillart, professeur d’économie et porte-parole du baromètre LPI-SeLoger.

Alors que le 1er semestre de l’année 2018 vient de s’achever, quel regard portez-vous sur le marché immobilier français dans l’ancien ?

Michel Mouillart. Tous les indicateurs nous renvoient le même message : l’activité du marché de l’immobilier ancien, qui se replie depuis l’été 2017, a de nouveau reculé au cours du 1er semestre 2018. Deux éléments permettent d’étayer ce constat. Tout d’abord, la production des crédits immobiliers à l’ancien baisse et les crédits distribués au cours des six derniers mois enregistrent un recul de 14 % par rapport au niveau qui était le leur au 1er semestre 2017. C’est considérable. Comme dans le même temps, le montant moyen des prêts accordés a augmenté de près de 5 %, on peut en déduire que le nombre de prêts accordés a diminué d’environ 9 %. Ce premier indicateur - la production des crédits - nous livre donc l’image d’un paysage qui n’est pas celui d’un marché en expansion. D’autre part, le baromètre LPI-SeLoger confirme que le nombre des compromis de vente ayant été signés au cours du 1er semestre 2018 baisse de plus de 8 % par rapport au 1er semestre de l’année dernière.

​Le marché va-t-il bien ou est-il en « pause » ?

Michel Mouillart, professeur d’économie et porte-parole du baromètre LPI-SeLoger
Michel Mouillart, professeur d’économie et porte-parole du baromètre LPI-SeLoger
Globalement, on ne peut donc pas dire du marché immobilier français qu’il soit en expansion, pas plus que l’on ne puisse dire qu’il soit en mode « pause ». À mon sens, il serait plus juste de dire que le marché immobilier français connaît actuellement une dégradation. Mais tout cela est conforme à ce que l’on pouvait attendre à la fin de l’année 2017. Le recul d’activité du marché immobilier sur le territoire français n’a donc rien d’alarmant ni de surprenant.

Le ralentissement de la hausse des prix va-t-il durablement s’installer ?

Le ralentissement de la hausse des prix va effectivement se poursuivre, plus lentement, certes mais résolument. Si l’activité recule, c’est parce que les prix immobiliers augmentent sensiblement depuis plusieurs années. Pour autant, depuis plus d’un an, on constate que les hausses de prix sont très inégales selon les territoires. Dans certaines villes, la hausse reste très rapide. C’est le cas à Paris, Bordeaux et Lyon ainsi que dans leurs banlieues. La hausse annuelle est également très vive à Poitiers, par exemple. Sur les 81 villes françaises dont le baromètre LPI-SeLoger scrute l'activité immobilière, 40 % enregistrent plus de 5 % d’augmentation sur l’année. Néanmoins, il est intéressant de constater que dans 45 % des villes de plus de 60 000 habitants, les prix, au contraire, baissent, parfois très rapidement, d’ailleurs.

Quelles sont ces villes où les prix immobiliers reculent ?

Je pense, notamment, à des villes comme Cherbourg, Le Mans, Dunkerque, Tourcoing, Besançon ou encore Mulhouse. Globalement, c’est toutefois à un ralentissement de la hausse des prix que l’on assiste. Les baisses sont de plus en plus répandues et rapides, alors que dans le même temps, les hausses commencent à se faire moins vives. C’est donc bien un ralentissement que l’on observe depuis le début de l’année. Cette perte de vitesse se traduit par le fait que, sur la France entière, les prix dans l’ancien augmentent de 3,9 % sur un an. Alors qu’à la fin de l’été dernier, la hausse atteignait 4,6 %. S’il n’a rien de surprenant, force est donc de constater, que le ralentissement est bel et bien là et cela même si le maintien d’une hausse rapide sur certains territoires peut parfois donner l’illusion d’une forte pression sur les prix immobiliers.

​Ça et là, on assiste à une reprise des ventes. C'est un phénomène ponctuel ou durable ?

Sur certains territoires, l’activité est effectivement repartie à la hausse depuis la fin de l’année 2017 ou le début de l’année 2018. C’est le cas, notamment, en Champagne-Ardenne, dans le Limousin, en Franche-Comté, en Alsace, en région Centre et en Auvergne. Dans toutes ces régions, le marché avait fortement reculé en 2017. Ce recul a amené le marché immobilier sur une zone d’étiage et le redémarrage, auquel on assiste sur tous ces territoires, traduit davantage la fin d’un cycle de dégradation qu’un retour à l’euphorie de la demande. À la fin d’une période de dégradation de l’activité immobilière correspond, mécaniquement, un relèvement du nombre de compromis signés. Il ne faut donc pas s’attendre, dans les territoires que je viens d’évoquer, à une reprise d’activité extraordinaire ni à une hausse des prix à deux chiffres…

Dans les secteurs où l’activité baisse, à quoi est dû ce recul ?

Sur beaucoup de territoires, la demande tend effectivement à reculer. C’est un phénomène que l’on constate dans les villes où les prix des logements ont augmenté très vite, trop vite. Jusqu’à présent, Paris et l’Île-de-France, l’Aquitaine mais aussi les régions PACA et Rhône-Alpes tenaient pourtant davantage de la locomotive que du wagon de queue. Si l'effet « LGV » ne s'accompagne pas d'un dynamisme économique local il n'est qu'un feu de paille ».

Dans les métropoles où les prix augmentent fortement (Bordeaux, Paris…), la hausse touche également les communes limitrophes. S’agit-il là d’un phénomène nouveau ?

Non, ce phénomène n’a rien de nouveau. C’est fréquent en période de hausse de prix des logements. Lorsque les prix immobiliers augmentent dans la ville-centre, la hausse se diffuse en périphérie. En effet, les difficultés d’accès à la propriété, qui s’expliquent par le fait que la demande a perdu de la solvabilité, ne sont donc pas l’apanage des villes-centres. La plupart des métropoles sont aujourd’hui le théâtre de cette hausse des prix qui affecte également les communes limitrophes.   

Qu’est-ce qui explique la baisse des prix immobiliers dans 45 % des villes de plus de 60 000 habitants ?

Plusieurs éléments permettent d’expliquer ce recul des prix. Tout d’abord, tous les territoires qui ont pu bénéficier d’une amélioration de leur réseau de transport (routier, ferroviaire, aérien) ont incontestablement bénéficié de ce qu’il est convenu d’appeler l’effet « LGV ». À l’inverse, aujourd’hui, les territoires dont l’accessibilité n’a pas été améliorée sont clairement pénalisés et voient leurs prix immobiliers baisser. C’est le cas à Dunkerque, à Roubaix, à Mulhouse, à Besançon, à Cherbourg ou encore à Bourges où les prix baissent de l’ordre de 4 à 5 % sur un an. Pour autant, il faut bien voir que si l’effet « LGV » ne s’accompagne pas d’un dynamisme économique local ni d’une attractivité de la demande, il ne sera qu’un feu de paille. C’est le cas à Brest, par exemple.



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