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Des taux différents sur les bénéfices distribués et réinvestis : la fausse bonne idée du PS

5 Avril 2011
Vladimir Vodarevski
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Des taux différents sur les bénéfices distribués et réinvestis : la fausse bonne idée du PS
La campagne des présidentielles 2012 est lancée. Le parti socialiste, sous la houlette de Martine Aubry, a présenté son programme en matière d'économie. Le PS veut relancer le système de double imposition des bénéfices des sociétés. Il veut appliquer des taux différents sur les bénéfices distribués et sur les bénéfices réinvestis. Ces derniers seraient imposés à 20 %, tandis que les premiers le seraient à 40 %.

Cette proposition fait partie des mesures dont l'objectif est de réorienter la fiscalité et l'épargne vers l'investissement productif plutôt que vers la rente et la spéculation. Le PS s'offusque aussi que certains grands groupes ne soient imposés en fait que sur 8 % de leurs bénéfices.

Une proposition nulle voire potentiellement négative

Cependant, à l'analyse, l'effet de cette proposition apparaît au mieux nulle, voire potentiellement négative. Elle dénote également une méconnaissance de la réalité fiscale, ou une volonté de faire du populisme. Enfin, elle reste dans le droit fil de la politique dirigiste et idéologique qui prévaut toujours en France, quelle que soit la couleur du gouvernement.

Quel l'effet peut avoir une imposition différenciée sur les bénéfices, telle que conçues par le PS? En première analyse, cette mesure apparaît comme néfaste. En effet, les investisseurs, dont les entreprises ont besoin, ont deux moyens de rentabiliser leur investissement. Les dividendes, d'une part, les plus values, d'autre part.

Restreindre les dividendes défavorise donc les investisseurs dormants, de long terme. Par contre, cela est sans effet sur les spéculateurs, le day trading, ou même les professionnels qui savent faire tourner régulièrement leurs capitaux.

On peut aussi penser que les entreprises s'orienteront vers d'autres formes de financement que l'émission de parts sociales, pour pouvoir offrir un rendement régulier aux investisseurs. Dans ce cas, l'emprunt obligataire sera préféré aux fonds propres. Et si les entreprises ne trouvent pas d'investisseurs, ce sera l'emprunt bancaire. La proposition socialiste est donc de nature à affaiblir les fonds propres des entreprises.

Cependant, l'effet réel de cette mesure serait peut-être tout simplement nul. Elle pourrait même diminuer l'imposition des entreprises. En effet, les entreprises ne distribuent pas la totalité de leurs bénéfices. Tout se joue donc dans le différentiel entre les deux taux. Le PS veut que le rendement pour l'Etat soit constant par rapport au taux unique actuel de 33 1/3% (en fait, il existe aussi un taux réduit). C'est une ingénierie complexe, beaucoup d'efforts pour pas grand chose.

L’argument du PS : ridicule sur le plan fiscal et populiste au niveau politique

L'argument du PS, soulignant que certaines grosses entreprises paient peu d'impôt, est ridicule sur le plan fiscal, et frise le populisme au plan politique. Le principe fiscal est la territorialité. Ce qui signifie qu'une entreprise paie des impôts en France sur ses activités françaises. Derrière ce principe simple, il y a beaucoup de complexité, des exceptions, tel étant le charme de la fiscalité. Mais ce principe est appliqué.

Par conséquent, les grands groupes vont payer des impôts uniquement pour leurs activités en France, pas à l'étranger. Les résultats qui sont présentés dans les médias sont les résultats globaux, ce ne sont pas les résultats imposés en France. C'est, d'une certaine façon, l'addition des résultats de toutes les activités du groupe à travers le monde, de toutes ses filiales.

A contrario, les groupes étrangers sont imposés en France pour leurs activités françaises. Le taux d'imposition d'un grand groupe en France ne signifie donc pas forcément que ce sont des avantages fiscaux qui lui permettent de réduire la note.

Même si, bien sûr, les grands groupes savent jouer de la fiscalité internationale, en logeant certaines activités dans certains pays, et économiser ainsi en impôts. À tel point qu'une partie des investissements directs étrangers en France serait des investissements de ces filiales étrangères d'entreprises françaises. Les bas taux d'imposition étrangers aideraient les entreprises françaises à dégager des fonds pour les investir en France.

Les entreprises les plus impactées seraient les PME

Les entreprises qui seraient impactées par le différentiel de taux d'imposition seraient donc les PME et PMI françaises. Enfin, la proposition socialiste témoigne du goût prononcé de nos dirigeants pour le dirigisme, qui engendre des usines à gaz.

Ce type de double imposition est compliqué à gérer, et à contrôler. Les dividendes ne proviennent pas forcément des bénéfices de l'année. Une entreprise peut avoir pour politique de lisser ses dividendes, en distribuer quand même une année déficitaire. Sachant qu'un déficit peut également provenir d'un habillage des comptes, ou d'une dévalorisation d'un actif. Dans ce dernier cas, les rentrées d'argent ne sont pas impactées. L'entreprise peut distribuer un dividende. Bref, le lien entre l'argent distribué et le résultat de l'entreprise n'est pas si simple.

D'autre part, les distributions par les entreprises se font aussi à travers les rachats d'actions. Comment seront-ils traités? Enfin, quid de tous les mécanismes de participations des salariés qui existent en France ?

Moins taxer les entreprises, pour les attirer ou les faire rester en France, n'est pas un mauvais principe. Mais il faut assumer ce principe. Par exemple, ne pas taxer, ou taxer à un taux faible (le taux irlandais, au hasard), les bénéfices des sociétés. Mais appliquer une taxe uniforme à tous les dividendes reçus par des résidents en France. Une imposition minimale de 20 % par exemple, ce qui correspond approximativement au taux de charges sociales supportées par le salarié sur son salaire brut (et je ne parle pas des charges patronales).

Une campagne présidentielle mal engagée

Mais, évidemment, en France, il faut prévoir toute une ingénierie fiscale et interventionniste, pour favoriser tel ou tel secteur. Les secteurs dits écologiques, par exemple. Nous n'allons jamais vers la solution la plus simple. Nous empilons les mesures dirigistes, attendant que tout s'écroule pour, enfin, changer de politique. Mais à quel prix pour les gens, quel coût social ?

La politique, c'est aussi une symbolique. La proposition du PS est toute symbolique. Il faut montrer qu'on taxe les méchants financiers, mais pas les gentilles entreprises qui investissent en France. Cependant, il faut quand même imposer fortement les entreprises, car ce sont quand mêmes de méchantes capitalistes. La proposition du PS est ainsi un exercice d'équilibriste politique, d'un parti qui sait que le socialisme est inefficace, mais qui doit donner des gages à la gauche de la gauche, puisque telle est aujourd'hui l'appellation de l'extrême gauche. Le résultat, ce sera de la complexité.

Mais les gens peuvent y croire. Le citoyen lambda n'étant pas bien informé, les grands médias se contentant de répercuter les propos des politiciens. Preuve que la campagne présidentielle est vraiment mal partie. On reste dans les mesurettes habituelles. Il n'y a aucune proposition de changement à l'horizon.

Vladimir Vodarevski est économiste de formation. Il travaille actuellement dans le domaine de la fiscalité d'entreprise. Il tient un blog sur l'actualité économique.


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