​Les emplois menacés par les défaillances d’entreprise au plus bas depuis 11 ans

2 Mai 2018
Rémi Lepage



Pour la treizième année consécutive, Deloitte /Altares publie un rapport réalisé conjointement et intitulé « L’entreprise en difficulté en France ». Ce dernier présente une analyse détaillée de l’état et du contexte des défaillances d’entreprise dans l’Hexagon e, avec un focus spécifique par région. Etat des lieux.

Une baisse conjoncturelle qui s’installe

Retour positif à un seuil anté-crise sur le plan des emplois menacés et des défaillances ! L’année 2017 permet ainsi de constater une baisse des emplois menacés de 11%, pour s’établir à un niveau de 171 667. La tendance à la baisse des défaillances se confirme également : avec 55 175 défaillances en 2017, soit 4,6% de moins que 2016, la situation s’améliore et revient au niveau constaté près de 10 ans en arrière, en 2008. 

« Le renouveau de la gestion de l’entreprise en difficulté est en partie soutenu par les 2% de croissance nationale atteints en 2017 et par notre taux de chômage, à son niveau le plus bas depuis 2009. Par ailleurs, la qualité et la richesse de nos outils de traitement de la pré-insolvabilité et de l’insolvabilité contribuent largement à favoriser une éclaircie. La France est le seul pays européen à disposer d’autant de solutions et la variété de ces dernières permet justement une vraie marge de manœuvre quant au redéploiement des entreprises en difficulté », déclare Jean-Pascal Beauchamp, Associé Financial Advisory responsable de l’activité Restructuring chez Deloitte.

​L’État et les Conseils Régionaux, maillons de plus en plus actifs dans le sauvetage des entreprises en difficulté

Les acteurs historiques de la restructuration ne sont pas seuls à veiller les entreprises, ces dernières peuvent en effet de plus en plus compter sur les institutions étatiques et régionales, organisations plus proches du terrain et actives dans le sauvetage. Parmi ces acteurs, on compte notamment le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), le Délégué Interministériel aux Restructurations d‘Entreprises, la Médiation Nationale du Crédit, les Commissaires au Redressement Productif déployés en région, les Conseils Régionaux, les Préfets de Région et les Préfets de Département. Cet ensemble de parties-prenantes est fédéré autour des grandes problématiques liées au développement et à la préservation du tissu économique français.

« Ces soutiens publics jouent un rôle toujours plus déterminant dans le maintien d’un paysage économique viable. Pour ce faire, ils mènent une solide politique préventive de terrain et veillent à cultiver une relation de confiance avec les entrepreneurs locaux qui font l’actualité business de la région », souligne Jean-Pascal Beauchamp. « On constate d’ailleurs que ces organes publics deviennent des interlocuteurs de référence quand les événements se bousculent, et ce que ce soit via des apports financiers ou un service d’intermédiation… ».

En Bretagne, par exemple, le Conseil Régional innove en mobilisant depuis peu en permanence une équipe de dix personnes sur le développement des entreprises et l’identification préventive de signaux faibles liés à un besoin de restructuration à court ou moyen terme. La région Pays-de-la-Loire, comme d’autres Régions, a elle aussi mis en place un dispositif de soutien financier aux entreprises et privilégie les mécanismes de prêts et de garanties avec l’appui de services d’experts externes spécialisés. Les Régions peuvent désormais également, sous condition, devenir actionnaire d’entreprise.

Les TPE sont les plus touchées

« L’impact des actions menées par les Institutions au niveau du développement et de la prévention s’apprécie notamment au regard de l’appréciation du taux de défaillance ramené par Région : ainsi, pour un taux de défaillance national de 1,3 (nombre d’entreprises défaillantes ramenée au nombre d’entreprise total), les régions enregistrent un taux allant de 1,1 à 1,5. Sur une tendance générale à la baisse comparée à l’année précédente, L’IDF, la Bretagne et les Pays de la Loire présentent en 2017 les taux les plus faibles », conclut Jean-Pascal Beauchamp.
 
La relativité du nombre important de défaillances au regard de la taille des entreprises concernées (la grande majorité des défaillances concerne des TTPE et des TPE). Représentatifs de la moyenne des dix dernières années, les cas de défaillances de l’année 2017 sont en majorité des cas de liquidations judiciaires (68%). Elles concernent principalement de petites, voire toutes petites structures (90% des liquidations concernent des entreprises de 0 à 5 salariés). En sus de ce fort volume d’entreprises liquidées (37 519), 16 472 ont fait l’objet d’un redressement judiciaire et 1 184 d’une sauvegarde.

838 défaillances d’entreprises réalisant plus de 3 millions d’euros en 2017

L’une des raisons qui fait que le nombre d’entreprises défaillantes (toutes procédures judiciaires confondues) n’est pas l’indicateur le plus représentatif de notre économie est liée au fait que les ¾ des sociétés défaillantes comptent entre 0 et 2 salariés. A l’inverse, le nombre d’entreprises défaillantes dont l’effectif est supérieur à 50 salariés est résiduel (0,5%). S’il n’est pas concentré sur un secteur ou une région, un tel taux n’affaiblit par conséquent pas le tissu économique national. « Bien qu’alarmant, le nombre d’entreprises défaillantes n’est pas le meilleur indicateur, et il est plus pertinent de retenir le nombre d’emplois menacés, bien plus représentatif de l’impact des défaillances sur notre économie », souligne Jean-Pascal Beauchamp.

« Il faut sortir de la vision du pays aux 55 000 défaillances considérées comme des disparitions d’entreprises ! Si on regarde bien, on compte seulement 838 défaillances d’entreprises réalisant plus de 3 millions d’euros en 2017. Parmi celles-ci, 70% sont suffisamment résilientes pour bénéficier d’un redressement judiciaire ou d’une sauvegarde. Or quand un redressement judiciaire mène à une solution permettant le maintien de l’activité et de l’emploi (plan de continuation ou de cession) dans 35% des cas, la sauvegarde offre presque deux fois plus de chances de bénéficier d’un plan de sauvegarde », analyse Jean-Pascal Beauchamp.
 

Quels points communs à ces entreprises défaillantes ?

Certains secteurs d’activité sont meilleurs élèves que d’autres et enregistrent un très net reflux du nombre de défaillances. Certains, à l’inverse, peinent à renverser la tendance. Que ce soit côté BTP ou côté immobilier, le secteur de la construction poursuit son retour à une situation favorable et enregistre une baisse du nombre de défaillances de 10%. L’agroalimentaire mis à part, l’industrie poursuit aussi une trajectoire dynamique (-8%). Les services aux entreprises figurent parmi les secteurs dynamiques (-9%). 

A l’inverse, de nombreux autres secteurs sont en peine : le transport routier de voyageurs (+35%), les activités d’assurance (+15%), l’hébergement (+19%), l’industrie textile (+10%), l’agriculture (+10%), et la santé (+15%) ne s’illustrent en effet pas par la solidité de leurs entreprises. Quand certains secteurs sont plus ou moins performants, l’origine géographique des acteurs défaillants permet aussi de détecter certaines tendances. Les régions enregistrant les reculs les plus notables en 2017 sont les DOM-TOM, les Hauts-de-France (-8,9%), l’Ile-de-France (-6,8%), le Grand Est (-6,5%), les Pays-de-la-Loire (-6,5%), la Normandie (-6,2%) et la Nouvelle-Aquitaine (-6,0%). 

Rémi Lepage