Médias & Loisirs : la publicité sur Internet porte la croissance

3 Juin 2015
Rémi Lepage



Dans la 16ème édition de l’étude annuelle « Global Entertainment & Media Outlook », sur les perspectives de l’industrie des médias et des loisirs, PWC prévoit que le marché mondial va croître de 5,1 % en moyenne par an entre 2014 et 2019. Cette étude, réalisée dans 54 pays, montre qu’avec 3,2% de croissance moyenne annuelle d’ici 2019, la France tire son épingle du jeu parmi les pays matures. La publicité sur internet devrait y porter la croissance du secteur, et le numérique en général continue de bouleverser le business model de l’ensemble des segments, qu’il s’agisse de l’édition, de la musique, de la presse, des jeux vidéo ou bien encore de la télévision.

La France, un marché mature à la croissance moyenne

Dans la nouvelle édition de son étude mondiale annuelle « Global Entertainment and Media Outlook », PwC prévoit que le secteur des médias et loisirs  devrait croître de 5,1 % en moyenne par an d’ici 2019, passant ainsi de 1 740 milliards de dollars en 2014 à 2 230 milliards de dollars en 2019.Si le rythme de croissance du secteur varie considérablement d’un marché à l’autre (de 0,9 %  de croissance annuelle moyenne au Japon contre 15,1 % au Nigeria), il apparaît que plus les consommateurs du monde entier deviennent connectés, plus ils adoptent des comportements similaires. Deux freins limitent néanmoins ce constat. Le premier concerne la qualité de l’infrastructure disponible pour accéder aux contenus. Le second réside dans la volonté des consommateurs de faire l'expérience de contenus qui les touchent personnellement. C’est la raison pour laquelle il est crucial, même dans un contexte de mondialisation, de répondre aux préférences locales. Derrière les disparités géographiques, nous identifions 4 familles de pays  :

1. 
Avec 3,2 % de croissance moyenne annuelle d'ici 2019, la France appartient au groupe des pays matures, avecle Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Espagne... Ces pays devraient concentrer d’ici 2019 65% du marché des médias et loisirs, même si leur taux de croissance est limité à en moyenne 3,4% par an d’ici 2019. Selon Matthieu Aubusson, associé PwC spécialiste du Digital et des Médias :« Comparée aux autres pays de cette zone de pays matures, la France fait figure d’élève moyen. Le taux de croissance du secteur des médias et loisirs de la France est plus rapide que celui du Japon, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, et des Pays-Bas, et identique à celui de l’Espagne. Le marché français devrait par ailleurs croître moins vite que les marchés italien, australien, coréen et canadien à horizon 2019. »
 
 2. La Next wave regroupe les BRICs et le Mexique, avec un taux de croissance supérieur à 6 %. Ces 5 pays ne représenteront malgré tout que moins d’un tiers de la taille de l’ensemble des 11 pays matures en 2019. 

3. Les Up & Comers , vingt pays tels que l’Afrique du Sud, l’Indonésie, la Roumanie, le Vietnam ou le Kenya sont les pays avoisinant une moyenne de 9% de taux de croissance annuel moyen d’ici à 2019. La taille de leur marché reste cependant limitée à horizon 5 ans. 

4. Les  slow growing (Grèce, Belgique, Singapour, …) auront une croissance faible dans les 5 années à venir.

+14,4 % par an pour la publicité sur Internet

La croissance du secteur des médias et loisirs sera principalement portée par la publicité sur internet (+14,4% de croissance par an sur la période), la croissance toujours soutenue des accès internet, et le marché B2B, moins victime de fluctuations que le marché grand public. Troisième marché européen, la publicité sur internet devrait continuer de porter le secteur français des médias et loisirs. Avec une croissance de 14,4% estimée en moyenne par an d’ici 2019, PwC anticipe ici un effet rattrapage de la France par rapport notamment à ses voisins européens, plus avancés sur ce sujet mais prévoyant  par conséquent une croissance plus faible durant les prochaines années (Royaume-Uni : +10%, Espagne: +9%, Allemagne : +6%,   …).  Si le Search reste le principal segment, ce sont les revenus issus de la pub vidéo (+15,2%) et de la pub mobile (+19,9%) qui devraient progresser le plus rapidement. 

On peut noter la spécificité du marché français : le segment des annonces (« classifieds ») est aujourd’hui le second segment du marché de la publicité sur internet et représente 23% du total en 2015 (5% aux US,  16% en Allemagne, 19% au Royaume-Uni)Le marché de la télévision poursuit sa fragmentation. Les quatre chaînes les plus populaires ont vu leur part de marché collective baisse, en passant de 79% en 2006 à 57% en 2013, et cette tendance est appelée à se poursuivre.

Avec 2,9% de croissance moyenne par an d’ici 2019, le marché de la publicité TV poursuit sa croissance, et PwC prévoit que le marché atteindra 5,22 milliards de dollars en 2019. La croissance restera portée par les chaînes TNT et Thématiques (+6,4% versus +1,8% pour les chaînes historiques). La France reste le champion européen de l’IPTV : le nombre de foyers recevant l’IPTV va atteindre 5,3 millions en 2019, à comparer aux 4,9 millions en 2014. Le marché de l’édition devrait connaître un léger recul (-0,5%), plus marqué sur l’édition grand public (-2,6%) et sur l’édition professionnelle (-3,4%) que sur l’éducation (+6,2%). Le développement du livre numérique devrait rester timide et peser 12% du marché grand public en 2019 (vs 59% aux US et 57% au Royaume-Uni).

Vive le streaming

La croissance du marché des jeux vidéo devrait atteindre 2,4% par an sur la période, pour atteindre plus de 4 milliards de dollars en 2019, principalement portée par les jeux en ligne et sur mobile. La France est un marché prolixe en matière de jeux vidéo : le français Ubisoft est le 3èmeacteur mondial et 80% des jeux produits par des acteurs français sont exportés. La baisse des taxes accordée aux développeurs basés en France devrait permettre d’encourager encore plus les acteurs du jeu vidéo à créer des studios sur le territoire français.  
 
Entre 2014 et 2019, le marché français de la musique devrait rester stable (- 0,8% de croissance annuelle). Les revenus liés au numérique devraient croître de 3,7% par an en moyenne – et ceux du streaming de 12% par an d’ici 2019, alors que le téléchargement est appelé à baisser à un rythme de -10 % par an. Si les revenus des concerts live devraient augmenter, cette hausse sera légère, certains des grands festivals commençant  à être diffusés sur internet.
 
La presse quotidienne va continuer de souffrir, continuant de payer le prix des réformes liées à la transformation numérique. Si une grande partie des quotidiens ont accéléré le développement des offres payantes sur internet, ceci ne devrait pas réussir à compenser totalement la perte de revenus liée aux ventes papier, dont la diffusion continue de baisser. Au total, la presse quotidienne devrait voir ses revenus reculer de 2,5% par an sur la période. 

Pour Matthieu Aubusson : « Les nouveaux revenus numériques ne devraient pas parvenir à compenser le déclin des ventes papier. C’est pourquoi nous nous attendons à une poursuite de la consolidation du marché de la presse. Il commence à y avoir un problème de taille critique pour amortir les coûts fixes et les quotidiens sont donc confrontés à un enjeu: faire payer le contenu numérique avec le risque faire baisser l’audience tout en maintenant la publicité. C’est un challenge plus fort en France, où la part des revenus consommateurs est plus importante par rapport aux revenus publicitaires, contrairement aux marchés anglo-saxons par exemple. »
 
De son côté, le marché des magazines progresse légèrement (+0,8% en moyenne par an d’ici 2019), 80% du marché étant détenus par les magazines grand public. Si la diffusion papier va continuer de décliner, sous l’effet de la hausse de la pénétration des tablettes et des nouvelles habitudes des consommateurs, qui s’habituent au contenu gratuit, le déclin se révèle plus lent en France que sur les autres marchés européens. Les revenus des ventes numériques devraient progresser de 23,2% par an au cours des 5 prochaines années – et pour les magazines grand public, les revenus publicitaires numériques représenteront même 35% du total des revenus publicitaires en 2019, en hausse par rapport aux 18% de 2014.

Priorité au mobile

Aujourd’hui, force est de constater que les consommateurs ne font pas vraiment de différence entre les médias numériques et les médias traditionnels. Ce qui leur importe réellement, c'est la possibilité d'explorer leurs contenus préférés avec davantage de flexibilité, de liberté et de confort. Les consommateurs avertis ont soif d’expériences de contenus multi-plateformes personnalisées et enrichissantes. Ainsi, même si les revenus mondiaux tirés des médias numériques affichent une croissance toujours plus forte, les revenus liés au non-digital continueront de représenter plus de 80 % des revenus consommateurs en 2019.

Une caractéristique majeure de cet environnement multifacette : la résilience – et parfois la résurgence – de certains aspects « traditionnels », comme le partage d’expériences vécues, toujours apprécié des consommateurs. Les dépenses liées aux ventes de billets de concert et aux salles de cinéma vont augmenter de 4,7 % en moyenne par an d’ici 2019 au niveau mondial, dépassant ainsi le rythme de croissance des dépenses consommateurs dans leur ensemble (2,9 %).

Matthieu Aubusson résume les conséquences, pour les entreprises, des conclusions de l'étude : « Compte tenu de l'évolution des infrastructures et de la diversité des préférences locales, les entreprises du secteur des médias et des loisirs doivent considérer l’expérience consommateur comme un facteur clé de réussite. Ce qui compte, c’est leur capacité à associer les contenus à une expérience utilisateur différenciée qui leur permette de se distinguer parmi les multiples options qui s’offrent aux consommateurs. Pour y parvenir, les entreprises devront déployer trois actions : innoverAncre en termes de produit et d’expérience utilisateur ; développer des relations omni canal avec les consommateurs à travers les différents canaux de distribution ; et privilégier l’approche Mobile First. »

Rémi Lepage