Le paradoxe des injections monétaires

31 Mai 2013
Fabrice Cousté



La Bourse de Tokyo vient de décrocher (-5.15%) une seconde fois en une semaine et la volatilité fait son grand retour sur les marchés actions. Les investisseurs et les traders vont devoir réapprendre à tirer parti de ces mouvements erratiques. Surtout, ils vont devoir s’accommoder d’une réduction programmée des doses de liquidités injectées par la Réserve Fédérale U.S.

Resserrement monétaire

La situation de marché est d’ailleurs des plus paradoxales : alors que l’économie U.S. est en train de retrouver tout son souffle (moral des ménages au plus haut depuis cinq ans, amélioration attendue du marché immobilier d’ici la fin de l’année), que les entreprises enregistrent de bons résultats, les points hauts boursiers des indices U.S sont menacés par le retrait attendu de la politique monétaire ultra-accommodante de la Fed.

Dans le sillage de Wall Street, c’est l’ensemble des Bourses mondiales qui craignent une correction mécanique, contradictoire avec le sentiment économique américain. À croire que le sevrage en mesures monétaires (par nature « artificielles ») sera tout aussi difficile à appréhender pour les investisseurs, que n’a été décisif l’assouplissement quantitatif dans le rallye des marchés. Pourquoi un tel mouvement d’aversion ? Parce qu’un resserrement monétaire, même progressif dans les prochains trimestres, entre hausse des taux directeurs et coupe dans les rachats d’actifs obligataires, favoriserait un rehaussement légitime des taux d’emprunt et réduirait de fait l’attractivité des actions.

Reallocations en vue

Avec des taux obligataires souverains un peu plus rémunérateurs, nombre d’investisseurs reviendraient sur cette classe d’actifs au détriment des marchés boursiers, qui jusqu’à présent ne souffraient plus d’aucune concurrence en terme de performance. D’ailleurs, avant même toute annonce formelle sur le « calendrier » du resserrement monétaire, l’anticipation d’un tel scénario a provoqué la remontée du taux à 10 ans américain, désormais à plus de 2.1%, point haut de plus d’un an.

Dans ce contexte incertain, les investisseurs ont aujourd’hui tendance à se porter plutôt « vendeurs » sur les indices américains, au profit des indices japonais (Nikkei) et européens (CAC 40 ou IBEX). Concernant les premiers, l’extinction anticipée de la hausse incite à des prises de bénéfices. Sur les seconds, c’est au contraire la consolidation déjà visible au cours des dernières séances qui incite à quelques achats à bon compte. Autre mouvement notable, un regain d’intérêt pour l’or, qui refranchit le seuil symbolique des 1 400 USD. La valeur refuge trouverait-elle des motifs de renchérissement dans la hausse des taux U.S. combinée au reflux hypothétique des actifs boursiers ?

À propos de l'auteur : Fabrice Cousté est directeur général de CMC Markets France, l'un des principaux courtiers en CFD dans le monde.

Fabrice Cousté