Baisser le loyer… en cours de bail ! Parfois judicieux…

4 Juin 2013
Patrick Chappey



Depuis quelques mois, de nombreux bailleurs particuliers abaissent le montant de leur loyer au moment d’un nouveau bail. Classique et logique : le marché fait loi. Un phénomène nouveau est toutefois en train d’apparaître, en ces temps de conjoncture délicate : à la demande de certains locataires, faisant face à des difficultés de paiement, des bailleurs acceptent d’abaisser le montant du loyer, en cours de bail.

Un geste apprécié

Rien ne les y oblige, évidemment, mais ce geste, apprécié des locataires, n’est pas complètement désintéressé : financièrement, le bailleur peut avoir à y gagner… Il y a trois mois, Gererseul communiquait sur un sondage (réalisé auprès de quelques 5 000 bailleurs particuliers) dans lequel près de la moitié des bailleurs indiquaient être prêts à baisser le montant du loyer. A la question "êtes-vous prêt, dans le contexte actuel, à baisser le loyer de votre bien dans le but de trouver un "bon" locataire ?", 46,5% des bailleurs interrogés répondaient par l’affirmative.

À cette époque, les réponses concernaient une fixation du loyer au moment de l’entrée d’un nouveau locataire. Aujourd’hui, branlebas de combat chez certains bailleurs qui se voient sollicités par leurs locataires, en plein cours de bail. Nos clients l’attestent : à l’exception des « mauvais payeurs, clairement de mauvaise foi, les locataires formulant une telle demande bénéficient de l’oreille attentive de leurs bailleurs, qui, parfois, acceptent d’abaisser le loyer afin de conserver des locataires appréciés.

Tout à y gagner

Les locataires responsables et sérieux sont, en effet, très recherchés… Alors, lorsqu’un bailleur reçoit une demande argumentée de locataires qui lui expliquent rencontrer des difficultés financières et envisager chercher un loyer moins élevé, il peut tout à fait choisir de les retenir en abaissant le loyer (éventuellement pour une période limitée) en cours de bail, même si, évidemment, rien ne l’y oblige. A lui de voir son intérêt. Il prend le risque, s’il n’accède pas à la demande, de voir effectivement partir ses locataires et rien ne dit, alors, qu’il en trouvera d’autres, rapidement et au loyer demandé.

Parfois, il a tout à y gagner. Adapter le niveau du loyer aux possibilités financières de "bons" locataires est une sage décision, une façon responsable et sociale de regarder la réalité en face et relève donc, en clair, d’une saine gestion. Car tous les bailleurs n'ont pas conscience que réduire le loyer (quand la conjoncture l’exige) n'entraine pas forcément un manque à gagner. Bien au contraire ! La stabilité de locataires payant leur loyer avec assiduité est gage d’un bon rendement. Une recherche de nouveau locataire entraîne souvent une chute de rendement (frais d’agence, le cas échéant, rafraîchissement des lieux, etc.), surtout lorsqu’il y a une vacance trop longue entre les baux.

Financièrement intéressant

Baisser le loyer peut rester intéressant financièrement. Démonstration. Deux situations peuvent rendre avantageuse l’acceptation de la baisse du loyer demandée par un locataire que le propriétaire souhaite garder : Premier cas : le bail a été signé à une époque où les loyers étaient plus élevés et le loyer actuel est donc surévalué par rapport au marché. Le locataire peut trouver facilement moins cher ailleurs et il y a fort à parier que le nouvel entrant finira par obtenir gain de cause en signant finalement le bail au loyer de marché. Résultat : perte de temps et d’argent liés à la recherche du nouveau locataire…

Deuxième cas (pouvant bien sûr être lié au premier cas) : le loyer de marché est plus ou moins identique, mais le locataire s’est toujours montré correct (tant sur le plan « règlement du loyer » que sur le plan "gestion quotidienne"). Le bailleur a donc tout intérêt à le conserver. S’il change de locataire, cela peut évidemment bien se passer, mais il peut aussi avoir à faire face à un locataire moins sérieux… Quelques loyers impayés plus tard et son rendement subira une baisse plus forte que s’il avait accepté la baisse du loyer payé "rubis sur l’ongle"…

Exemple :

Un locataire payant un loyer de 700 € (fixé dans la fourchette haute des loyers, à la signature du bail) pour un trois-pièces demande à son bailleur de l’abaisser à 630 €, représentant le loyer de marché d’aujourd’hui. Ayant acquis le bien 150.000 € (à Toulon), il bénéficie d’un rendement brut de 5,6%. S’il accepte la baisse demandée, il passe directement à un rendement brut de 5%. Correct, actuellement. Imaginons qu’il laisse ce locataire partir et signe un nouveau bail à 700 €, mais trois mois plus tard seulement, compte tenu du fait que ce loyer est un peu au-dessus du marché… Pour séduire, le bailleur a rafraîchi les lieux (un coup de peinture blanche) et fait appel à une agence (coût global : 2.700 €). Le rendement de la première année de location chutera alors de moitié, pour tomber à (700 € x 9 = 6.300 € - 2.700 € = 3.600 €) 2,4 % brut. Il lui faudra donc plusieurs années pour rattraper le niveau de rendement qu’il aurait obtenu en gardant son premier locataire. Sans parler du risque de turn over (avec nouvelle vacance à la clé) qui devient important, puisque le loyer est surévalué…

L'idée que l'on se fait des propriétaires bailleurs, "fixés sur le loyer le plus élevé à tous prix", est une nouvelle fois mise à mal. En effet, il y a quelques mois, un autre sondage Gererseul indiquait que 52 % des bailleurs particuliers ne révisaient pas (alors que la loi le leur permet) le loyer en cours de bail...

À propos de l’auteur : Patrick Chappey est fondateur associé de Gererseul, une plateforme de gestion locative en ligne destinée aux propriétaires bailleurs, souhaitant gérer seuls leurs investissements immobiliers.

Patrick Chappey