Pourquoi le Qatar investit-il en France ?

2 Octobre 2012



Depuis déjà quelques années maintenant, le Qatar investit massivement en France via son fonds souverain, le Qatar Investment Authority (QIA). Son entrée au capital de Total, la première entreprise française, à hauteur de 2 %, avait été le détonateur. Depuis, le fonds d’investissement ne cesse de faire ses courses en France. Il est ainsi au capital de grandes entreprises françaises comme Veolia ou Lagardère et à la tête de certains des plus beaux palaces parisiens. Il est également présent dans le sport avec le club de football parisien et le prix hippique de l’arc de triomphe.

Bref, sa participation dans un fonds "banlieue" n’a finalement rien d’étonnant. Désormais cofinancée à parité par l’État français et le privé, elle ne sera plus exclusivement orientée vers le soutien des projets d'entrepreneurs des quartiers. Comment expliquez un tel engouement pour la France ?

1- S’assurer visibilité et prestige

En France, les fonds émiriens saoudiens et koweïtiens, immensément riches, sont nettement plus actifs, notamment dans l'immobilier, tout en se montrant beaucoup plus discrets. Qui sait que le très secret fonds de Brunei possède une grande partie de la place Vendôme, l'hôtel Meurice et le Plaza Athénée ? À la différence de leurs homologues du Golfe, les investisseurs qatariens n'observent pas une logique purement financière. Ils veulent aussi de la visibilité et du prestige. "Leur stratégie d'investissement est marquée par une volonté de puissance politique", analyse Denis Bauchard, spécialiste du Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales.

Un choix qui les pousse parfois à acheter à des prix irréalistes. "Ce sont des acteurs économiquement irrationnels" , a lancé Bertrand Méheut, le patron de Canal +, après s'être fait souffler une bonne partie des droits de diffusion du foot français. Ce n’est pas non plus un hasard si le Qatar s’est doté de la chaîne de télévision d'information continue la plus influente du monde musulman, al-Jazeera. Il détient grâce à elle une arme de politique internationale exceptionnelle. Ironie du sort, cette chaîne couvre tous les pays, sauf le… Qatar.

2- Faire des bonnes affaires

Depuis que Qatar a acheté 2 %, le titre du pétrolier s'est envolé de plus de 30 %. Ces investissements tous azimuts ne sont donc pas une mauvaise nouvelle pour les entreprises cibles. Selon les analystes, l'entrée au capital d'un actionnaire de long terme est globalement positive car elle est interprétée par les investisseurs comme un signe de confiance. La preuve, la nouvelle a été plutôt bien accueillie en Bourse (le titre Lagardère a pris 0,36 %).

Côté LVMH aussi, les investisseurs ont plutôt tendance à soutenir les choix de l'émirat. Le groupe de luxe se porte en effet à merveille, et cette participation avant tout symbolique (1%) dénote surtout l'intérêt poussé des Qatariens pour le luxe. Par ailleurs, le Qatar lorgne depuis longtemps sur EADS, dont Lagardère détient 7,5% du capital...

Acheter un savoir faire

En terme stratégique, devenir le troisième actionnaire d'un géant comme Total n'est pas non plus un mauvais calcul lorsque l'on considère le savoir-faire industriel du pétrolier dans l'exploitation des énergies fossiles. Le Qatar ne s'en cache pas, le retour sur investissement n’est pas toujours sa priorité, il souhaite également profiter d'échanges d'expérience dans des secteurs où les synergies sont possibles. "La feuille de route est claire. Nous nous sommes engagés à mettre notre savoir-faire à la disposition des Qatariens" , expliquait récemment à L'Expansion Yannick Garillon, le directeur général de QDVC, la société commune de Vinci et Qatari Diar. En contrepartie, les groupes français remportent certains appels d'offres sur place.

Profiter des avantages fiscaux

Signée début 2008 par l’ancien Président de la République, une disposition fiscale exonère les Qataris de plus-values immobilières en France. Cet avenant à la Convention fiscale qui lie les deux pays stipule que "les gains qu’un État, sa banque centrale ou l’une des ses institutions financières obliques entièrement contrôlée par lui tire de l’aliénation de bien immobilier ne sont pas imposables dans l’autre État." Concrètement, cela veut dire qu’un organisme public qatari investissant dans l’immobilier en France, ne sera pas soumis au régime discale des plus-values. On comprend mieux pourquoi les Qataris adorent nos hôtels ! C’est donc bien la France qui souhaite faire venir ces investisseurs.