M&A : augmentation des risques liés aux facteurs humains

10 Mars 2016

Délais plus courts, manque d’informations sur les due diligences et absence de ressources figurent parmi les principales explications.



Sur fond de nette reprise de l’activité M&A à l’échelle mondiale (32 % au cours des trois premiers trimestres 2015)*, les entreprises et les fonds d’investissement, qu’ils soient acquéreurs ou vendeurs, se trouvent à présent confrontés à une multitude de risques compromettant la réussite de ce type de transactions. Dans son Rapport sur les risques associés aux facteurs humains dans les transactions M&A, Mercer, leader du conseil et des services en ressources humaines, indique que parmi les différents risques en cause, ceux concernant le personnel sont cités en premier, par les acquéreurs comme par les vendeurs. Tel est le cas, notamment, des préoccupations que constituent la rétention des salariés, l’intégration culturelle, l’évaluation des personnes clés, les niveaux de rémunération et avantages sociaux ou encore la gestion globale des talents.

Les ressources humaines, enjeu majeur

Les défis humains rencontrés dans le cadre des opérations de M&A sont à replacer dans un environnement particulièrement concurrentiel marqué à la fois par le raccourcissement des délais, un accès plus réduit à l’information et l’activisme croissant des actionnaires. De fait, 41 % des acquéreurs indiquent disposer de moins de temps  aujourd’hui  pour procéder à une due diligence complète qu’il y a trois ans, tandis que 33 % des vendeurs déclarent avoir réduit le volume d’informations communiquées sur les sociétés mises en vente. Parallèlement, les vendeurs sont plus d’un tiers (34 %) à constater que les problématiques RH sont un sujet majeur à traiter lors de leurs cessions.
 
Selon Mercer, les risques sont encore plus prononcés lorsque l’horizon géographique des intervenants va au-delà de leur marché national ; perspective qui apparaît de plus en plus probable puisque 50 % des responsables interrogés déclarent avoir récemment piloté des opérations transfrontalières, et 24 % estiment avoir plus de chances de participer à une transaction impliquant plusieurs pays qu’au mois de janvier 2014. Enjeux législatifs et réglementaires, différences de culture et de modes opérationnels, manque de compétences de l’encadrement : tous ces facteurs de risque s’accentuent substantiellement dès lors que les transactions envisagées dépassent les limites du marché national.

Des bonnes pratiques nécessaires au succès économique

« Acquéreurs et vendeurs nous disent tous qu’ils ont besoin de données détaillées, d’éclairages poussés et de conseils pratiques pour maximiser la valeur de la transaction et réduire les risques liés au facteur humain. Le but de nos recherches, c’est justement de faire en sorte que les dirigeants d’entreprise, de la fonction RH ou non, prennent des décisions plus avisées en matière de gestion des ressources humaines et de rémunération dans la conjoncture difficile que nous connaissons actuellement au niveau mondial pour ces opérations », précise Jean-Luc Durrieu, Leader M&A France et Europe du Sud chez Mercer.

  
Si les organisations peuvent largement tirer parti de plusieurs activités clés rattachées à la gestion du personnel, le marché du M&A fait face aujourd’hui à peu de cibles disponibles et donc à des prix élevés ; un contexte particulier auquel vendeurs comme acquéreurs doivent être attentifs s’ils veulent mener une opération réussie. Pour les acquéreurs, il convient surtout d’être attentif aux points suivants :

  Évaluer les capacités de l’équipe dirigeante en exploitant les profils de compétence de l’entreprise et les revues de performance individuelles afin d’apprécier la qualité des leaders, leur capacité à mener à bien une stratégie, encadrer du personnel, conduire un changement de culture et atteindre les résultats opérationnels. Développer des stratégies de rétention efficaces en segmentant les personnes clés 
au-delà de l’équipe dirigeante pour s’assurer le maintien en poste et la motivation des contributeurs – si besoin par des primes – ou, a contrario, faciliter le départ volontaire d’autres salariés en doublon ou désengagés. Mettre en place une culture, une communication et un plan de gestion du changement clairs et précis en déterminant le rythme et l’ampleur des transformations à entreprendre et en communiquant fréquemment et en toute transparence. Faire l’audit de la fonction RH, des services proposés et des besoins des clients internes en vérifiant que les conditions sont réunies pour garantir la rémunération des salariés et leurs avantages sociaux, tout en donnant à la fonction RH les moyens de faire progresser les résultats opérationnels. Adopter une vision d’entreprise globale pour gérer efficacement les avantages sociauxen évitant les coûts inutiles et en maîtrisant le risque de conformité locale par la mise en place d’une stratégie complète incluant des règles de gouvernance. Comprendre les ressorts de la compétitivité des rémunérations sur chaque marché et mettre à profit les programmes d’avantages sociaux existants pour attirer et retenir les talents recherchés (sont inclus ici le salaire de base, les rémunérations variables et la protection sociale comparés à la moyenne du marché, l’équité interne, les critères de performance et les avantages en nature).
 
 
Les vendeurs doivent eux :


Identifier les talents critiques pour la cession et envisager l’élaboration d’un plan de rétention en ciblant les salariés ayant des relations avec les grands comptes ou en charge des principales activités. Faire appel à des consultants (y compris du coté vendeur) et à des experts en scission(le choix d’une due diligence rigoureuse côté vente contribue à faire augmenter le prix d’achat et à accélérer la cession). Envisager la signature d’un contrat de services adapté (« TSA » en anglais), à un prix convenable (ces conventions ont pour avantage d’atténuer le risque opérationnel, de couvrir les coûts du vendeur et donc de favoriser une sortie ordonnée). Élaborer un plan de gestion des talents et du personnel clair et précis en établissant et en communiquant l’organisation potentielle de l’entité appelée à être cédée et en déterminant quels salariés vont conserver leur poste chez le vendeur et lesquels vont rejoindre la nouvelle organisation.
 
La nécessité d’adopter ce cadre d’actions est d’autant plus grande que plus de la moitié des entreprises interrogées ayant pris part à une opération de fusion-acquisition d’envergure internationale a subi des retards, ce qui a tendance à freiner l’intégration et la création de valeur. « Les risques associés au personnel et présentés dans notre rapport émanent clairement de nos conversations avec les responsables M&ANéanmoins, nous constatons qu’acquéreurs et vendeurs prennent aujourd’hui pleinement conscience du besoin urgent d’y apporter une réponse sérieuse et organisée »,  déclare Yanick Chainey, Leader du métier Retraite et International chez Mercer pour la France.