Le moment serait-il venu de revoir le secteur de la défense ?

20 Mars 2015
Victoria Legett



Avec les attaques terroristes du 11 septembre, le monde a découvert une nouvelle forme de guerre, et l’Occident a ainsi dû reconsidérer sa vision du conflit. L’idée plutôt simpliste selon laquelle les guerres doivent être menées et gagnées (ou perdues, parfois) a ainsi volé en éclats. L’«asymétrie» qui prévaut dans cette guerre moderne – avec des accès de violence localisés et un système d’alliances complexe – signifie que l’idée même de «gagner» appartient au passé.

Des budgets en baisse

En revanche, ce qui reste vrai c’est que la guerre a un coût. La crise économique de 2008 et les dix années de combats menés dans le désert ont contraint les Etats-Unis et l’Europe à opérer de sérieuses coupes budgétaires. Le Royaume-Uni a, pour sa part, réduit son budget de 3,6% chaque année depuis 2009, et la plupart des membres de l’OTAN ont suivi un processus similaire. Pour la quasi-totalité des pays, excepté les Etats-Unis, les dépenses restent aujourd’hui inférieures aux 2% du PIB recommandés.
 
En quoi est-ce important ? Au moment où l’Europe a réduit ses dépenses de défense d’environ 20%, la Russie, elle, les a augmentées de plus de 50%, le tiers étant consacré à la sûreté nucléaire. Le pays s’affiche aujourd’hui en 3e position en matière de dépenses de défense, derrière les Etats-Unis et la Chine. Cette dernière est dans sa deuxième décennie de hausses budgétaires à deux chiffres et ne consacre toujours que 1,5% de son PIB à la défense. Selon les dernières annonces en provenance de Chine, la priorité du pays semble être de «rattraper» les Etats-Unis (les dépenses absolues en USD représentent toujours le quart du budget américain).

La Russie, un vrai risque

Si les dépenses de défense de la Chine constituent une menace encore lointaine, celles de la Russie présentent, elles, un risque bien réel et immédiat. En effet, il n’est plus controversé aujourd’hui de dire que l’ambition de V. Poutine pourrait ne pas se limiter à l’Ukraine. La réponse militaire ne paraît certes pas la plus appropriée, mais la question des dépenses de défense ne doit plus être négligée. L’Europe doit donc trouver l’argent. La création d’une armée européenne, comme suggéré par M. Juncker, pourrait être une bonne idée, mais elle semble lointaine. L’Allemagne a déjà commencé à commander des systèmes de défense antimissile, et les pays baltes ont augmenté leurs dépenses de 300 millions de dollars au dernier trimestre. La question est généralement très impopulaire sur le plan politique et, avec les bombardiers russes qui menacent l’espace aérien britannique, le message devient peut-être plus acceptable auprès de l’électorat.
 
Ces développements bénéficient-ils aux sociétés de défense européennes ? Oui, mais pas à toutes. Nombre d’entre elles sont en effet très exposées au budget américain; or, il est peu probable que ce dernier augmente à court terme. Il est très probable que les révisions des bénéfices (BPA) soient les plus fortes du côté des entreprises qui présentent les qualités et les atouts suivants : une exposition aux marchés émergents «partenaires» en croissance comme l’Inde, le Brésil et l’Indonésie; un statut d’acteur local ou de niche avec une excellente technologie; la capacité à opérer une restructuration «bottom-up».
  
FACTEURS HAUSSIERS
1_ Les risques accrus liés à la Russie et à l’Etat islamique (EI) rendent les hausses budgétaires plus acceptables sur le plan politique.
2_ Les Etats-Unis exercent une pression grandissante sur l’Europe pour qu’elle s’implique plus en matière de défense.
 
FACTEURS BAISSIERS
1_ La défense européenne ne peut pas directement tirer parti des fortes hausses budgétaires opérées ailleurs, notamment en Chine et en Russie.
2_ Les budgets européens sont très tendus: augmenter les dépenses dans ce domaine impliquerait une réduction dans d’autres secteurs.
3_ Les préoccupations éthiques sont fortes à l’égard des investissements dans le secteur de la défense.
 
A propos de l'auteur : Victoria Legett est fund manager European Equities chez UBP.

Victoria Legett