« Le management en période de confinement passe par le feedback »

17 Avril 2020
Propos recueillis par Rémi Lepage



Des millions de salariés français ont été forcés de basculer en télétravail depuis la mise en place du confinement. En tant que manager ou chef d’entreprise, il n’est pas toujours évident de superviser ses équipes : problèmes de connexion, gestion de la vie privée, difficulté d’organisation… Pour Stéphane Moriou, expert français du feedback, il est essentiel de faire preuve de sollicitude.

 


Comment peut-on continuer à manager ses équipes alors qu’elles sont en télétravail ?

Stéphane Moriou. Nous sommes passés d’une surabondance d’échanges physiques en réunion à des relations purement à distance. Au-delà des difficultés parfois simplement techniques, l’humain a besoin de proximité dans ses interactions. Les plateformes qui nous permettent d’organiser des réunions, même si elles ont fait d’énormes progrès, restent en partie froides et impersonnelles. Il s’agit d’une période exceptionnelle et les règles du « business as usual » ne s’appliquent clairement pas. Entre la surveillance d’un bébé, les devoirs à la maison d’un enfant, ou du partage des contraintes personnelles avec un conjoint, les salariés qui travaillent à domicile sont soumis à de multiples difficultés qui impactent leur temps disponible pour leur employeur. Le manager doit impérativement faire preuve d’empathie et trouver le bon équilibre entre les exigences de performance et la réalité des contraintes familiales. Demander du feedback régulier à ses collaborateurs est un moyen efficace de vérifier que les objectifs sont cohérents avec les moyens dont les gens disposent. En offrant son feedback positif et son feedback correctif aux individus ou aux équipes, le manager offre une possibilité aux autres d’adopter des postures ou de trouver des solutions plus nuancées, plus relativisées, plus cohérentes avec le réel.


De quelles façons continuer à encourager ses équipes pour ne pas qu'elles se démotivent ?

S. M. Le confinement impose de développer de nouvelles habitudes, de nouvelles routines. Tous les modèles théoriques expliquent qu’un changement impose une période de désorientation. Les gens vivent donc et vont continuer à vivre des épisodes où les doutes seront plus importants que les certitudes. De nombreuses études scientifiques démontrent qu’une période de 10 jours de confinement est prédictive de syndromes post-traumatiques. Et il y aura d’autres sources de stress après la période de confinement, notamment sur le plan économique. Il est important de percevoir et d’anticiper le besoin d’accompagnement, de réconfort, de soutien que les équipes attendent. Il existe de nombreuses manières d’être ressource pour les autres. D’une manière générale, les êtres humains ont besoin de s’adapter et donc d’apprendre en permanence de nouvelles compétences. Les périodes de crise rendent ce besoin encore plus criant. Sans prise de conscience de ce besoin de remise en cause, chacun s’expose à diminuer encore plus son agilité à court terme et son employabilité à moyen terme.  Il s’agit à la fois de se mettre à la recherche des compétences principales à développer et de demander des conseils sur la meilleure manière de les acquérir - dans ce contexte, chacun peut aussi faire le choix de développer les compétences qu’il aura lui-même choisi. Elles pourront toucher des aspects techniques ou des compétences humaines.

 


Propos recueillis par Rémi Lepage