Le difficile défi de l’emploi des séniors

18 Juin 2009
Franck Stassi

Le gouvernement confie aux entreprises le soin de déterminer des objectifs chiffrés en matière d’emploi des salariés âgés. De nombreuses mesures existent, mais leur parcimonie ne permet pas de constituer une véritable politique dans ce domaine.



En instaurant de nouvelles mesures pour stimuler le taux d’emploi des séniors, le gouvernement espère débloquer une situation peu envieuse au sein de l’Union européenne, et pousser à la baisse le nombre de demandeurs d’emploi. Alors que Pôle emploi s’apprête à recruter pour faire face à la montée du chômage, ce sont les entreprises qui seront mises à contribution avec ce nouveau dispositif publié jeudi dernier au Journal officiel.

Avant la fin de l’année, les entreprises et les établissements publics comptant au moins cinquante salariés devront être couvertes par un accord d’entreprise, de groupe ou de branche, déterminé pour une durée maximale de trois ans. Cet accord devra comporter un objectif chiffré de recrutement (pour les 50 ans et plus) et de maintien dans l’emploi (pour les 55 ans et plus) des travailleurs âgés. Trois domaines d’action devront par ailleurs être sélectionnés sur une liste qui en compte le double. Faute d’accord, une amende égale à 1 % de la masse salariale sera encourue à compter du 1er janvier 2010.

Ce texte constitue une première étape vers une politique de l’emploi des séniors basée sur la responsabilité des entreprises : avec la crise, la priorité n’a pas été, faut-il le constater, été donnée aux salariés âgés. Avec le décret rendu public la semaine dernière, ce sont les entreprises qui fixent elles-mêmes les objectifs à atteindre, la pénalité encourue étant de moindre importance pour des grands groupes que des PME. Ce sont donc les petites et moyennes entreprises, principaux employeurs du pays, qui sont les premières mises à contribution avec cette nouvelle mesure.

Toutefois, faute d’objectifs unifiés, les résultats seront difficiles à quantifier. Le taux d’emploi de la tranche 59-64 ans s’élève à 38,3 % (un chiffre en hausse de neuf points sur sept ans), contre 44,7 % pour la moyenne des vingt-sept pays membres de l’Union européenne. L’Italie peine à faire mieux, mais le Royaume-Uni et surtout la Suède, avec 70 % d’emploi chez les séniors, prouvent que ce problème n’est pas une fatalité. La stratégie de Lisbonne, mise en place en 2000, tablait sur un taux d’emploi des salariés âgés à 50 % à l’horizon 2010 : la moyenne européenne tend à s’en approcher (entre temps, élargissement oblige, le panel de pays a évolué), mais la France reste à la traine.

Des dispositifs hétéroclites à l’efficacité limitée

Convaincre les entreprises du potentiel de ces travailleurs constitue l’élément principal du problème, les plans sociaux privilégiant notamment l’ancienneté, et le retour à l’emploi étant particulièrement difficile une fois le cap des 50 ans passé. « Quand l’activité ralentit et que les licenciements se multiplient, mieux vaut réactiver des dispositifs comme les préretraites, car c’est un moyen pour les salariés les plus âgés de traverser la crise sans passer par le chômage », plaide l’économiste Mathieu Plane dans La Croix : en période de crise, adopter des outils souples semble la stratégie la mieux adaptée. Preuve en est le rallongement de l’Allocation équivalent retraite jusqu’à la fin de l’année. Le dispositif, qui consiste à fournir jusqu’à 60 ans, un minimum de ressources aux personnes qui, avant cet âge, totalisent 160 trimestres d’assurance vieillesse, devait être initialement supprimé.

Le développement des managers dits « de transition », qui accompagnent des chefs d’entreprises armés d’une importante expérience, contribue à mettre au premier plan les atouts que peuvent apporter des salariés âgés au sein d’une entreprise. Dans un contexte économique difficile, un regard sur des situations antérieures peuvent faire office de repères. Des formations spécifiques ont même vu le jour.

Pour faire remonter rapidement les statistiques, d’autres pistes existent : la création d’entreprises (le statut d’auto-entrepreneurs devrait faciliter les choses), le travail le dimanche (favorisant des emplois à temps partiel, mais difficile à mettre en place, comme le prouvent les débats au Parlement), préférer des dispositifs simples à des contrats spécifiques qui restreignent l’impact de la mesure… Ces idées, récoltées dans plusieurs pays, ne constituent pas des vecteurs assez solides pour pousser significativement les chiffres à la hausse, mais les empêchent de chuter.

Franck Stassi