Le crime organisé, ça paye

1 Mars 2011



Selon le Fonds monétaire international (FMI), entre 440 à 1 300 milliards d'euros seraient blanchis chaque année dans le monde. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le trafic de drogue représenterait 500 milliards de dollars par an à lui seul. A cela, il faut également ajouter la prostitution et le trafic d’articles de contrefaçon. Ce dernier serait compris entre 250 milliards de dollars par an selon l’OCDE et 775 milliards de dollars par an selon l'International Chamber of Commerce.

La mondialisation : un effet d’aubaine pour les mafias

Mais le crime organisé ne s’arrête pas à la prostitution et au trafic d’articles de contrefaçon. Il s’étend à l’ensemble de l’activité économique. Dès que la demande pour un bien ou un service est supérieure à l’offre légale (quand elle existe), les organisations criminelles s’empressent de combler ce déséquilibre et en profite pour afficher des prix supérieurs à l’offre légale (quand elle existe).

Ainsi le crime organisé fait feu de tout bois : travailleurs clandestins, espèces naturelles protégées, métaux précieux, déchets toxiques, organes, et même de quotas de CO2. Pire encore, les organisations criminelles ont profité de l'essor des nouvelles technologies et de la réglementation pour accélérer les transferts de fonds internationaux. Selon le rapport sur le blanchiment d’argent, la mondialisation du capitalisme, depuis les années 1980, a été une grande opportunité de croissance pour ces organisations.

Une influente croissance sur l’économie « réelle »

Mais ces marchés criminels ont besoin, pour vivre, de l'économie légale : les montagnes de billets de banque accumulés doivent être recyclées par le biais de sociétés et comptes bancaires qui permettent de les dématérialiser et de générer des profits, cette fois "légaux". Et avec la raréfaction du crédit bancaire, durant la crise financière de ces dernières années, cet argent à moitié propre a été une bouffée d’air pour de nombreuses économies en développement.

En effet, la masse d'argent investie dans l'économie légale est devenue une "alternative au développement", estime Mickaël Roudaut, à la direction générale justice, liberté et sécurité de la Commission européenne. Résultat, de nombreuses zones géographiques ou secteurs d’activités sont contrôlés par des organisations criminelles. Cette nouvelle répartition des richesses sera un des enjeux de la géopolitique du XXIème siècle.

La prise de conscience des Etats est insuffisante

Pourtant, les pays développés n’ont pas encore réagi à l’ampleur du phénomène. Ce n’est qu’en 2009 que l’Union européenne a mis en place le programme de Stockholm pour la sécurité, avec 350 mesures qui doivent être seulement mises en œuvre par les Etats membres entre 2010 et 2014. De leurs côtés, le FMI et la Banque mondiale ont inscrit la lutte contre la criminalité et la corruption comme critères du versement de leurs aides.

Et la France ne fait pas figure d’exemple. Selon un rapport du Groupe d’action financière (GAFI), la France agit de façon "conforme" à 9 des 49 recommandations, "largement conforme" pour 29 d'entre elles, "partiellement conforme" pour dix et "non conforme" pour une d'entre elles. Ainsi, si le nombre de déclarations reçues par Tracfin, l’organisme antiblanchiment attaché au ministère des finances, est passé de « seulement » 1 244 en 1998 à 17 310 en 2009 contre, le nombre de dossiers transférés par Tracfin à la justice a seulement progressé de 280 passant de 104 à 384.