La BCE, le Saint Bernard de l’Europe

7 Décembre 2010
Morad El Hattab et Irving Silverschmidt



Cette « stratégie de sortie » pourrait être qualifiée de succès puisque le montant total des avances de la BCE aux banques s’est réduit à quelques 520 milliards d’euros, soit environ 15% de plus qu’au printemps 2007. En fait, derrière une austérité apparente, la BCE est devenue un véritable Saint Bernard parti au secours des banques perdues sans collier des Etats en détresse de la zone euro.

Une stratégie de sortie de crise réussie (pour le moment)

Selon Barclays’Capital (The Economist, 13 novembre 2010), les prêts à court terme de la BCE aux banques portugaises financent quelques 7,2 % de leurs actifs. Dans le cas de l’Irlande, les estimations varient comme un compteur Geiger affolé : selon le Wall Street Journal du 16 Novembre 2010, les avances de la BCE aux banques irlandaises atteignent 80 milliards d’euros soit 50% du PIB annuel de l’Irlande.

Le Financial Times, lui, après avoir indiqué le 11 novembre 2010 que la BCE était devenue le principal créancier des banques irlandaises, avance un montant de 130 milliards d’€, donc quelques 80% du PIB annuel de l’Irlande (16 novembre 2010). L’on comprend mieux pourquoi les Ministres des finances de l’eurozone, et plusieurs banquiers des Banques Centrales en viennent à exiger de l’Irlande qu’elle se soumette à un plan de sauvetage européen.

La BCE sauve l’Irlande

Certes, en théorie, les dépenses publiques de l’Irlande sont financées jusqu’à l’été 2011 avec un petit trésor de guerre d’un peu plus de 20 milliards d’euros, aussi, au moins techniquement l’Irlande peut attendre, mais cela n’est vraisemblablement plus le cas pour les banques irlandaises.

L’Irlande est d’autant moins portée à demander un plan de sauvetage que ses partenaires exigeront en contrepartie une véritable mise sous tutelle des finances irlandaises et le contrôle des engagements de l’Irlande vis-à-vis de ses banques, engagements estimés à quelques 450 milliards d’euros soit près de trois fois le produit intérieur brut (PIB) annuel de l’Irlande.

La crise des finances publiques de l’Irlande est donc en fait une crise des banques irlandaises. Début novembre 2010, la « Bank of Ireland » a été obligée d’avouer que le rapport entre ses actifs et les dépôts s’était accru de 145 à 160 %, cela signifie qu’elle doit se refinancer sur les marchés financiers à raison de plus de 50 % de ses dépôts…

Or, les banques irlandaises ne parviennent plus à se refinancer sur les marchés des prêts interbancaires, le financement sur les marchés s’est évaporé, et il semble même que les clients privés commencent à retirer leurs dépôts.

La BCE est devenue, malgré elle, prêteur en dernier ressort

La BCE est devenue, malgré elle, prêteur en dernier ressortLes montants avancés par l’Etat irlandais pour sauver les banques, jusqu’à présent 50 milliards d’euros, sont devenus insuffisants, au point d’en devenir inadéquats, le financement des banques irlandaises est donc à présent assuré par la BCE, et l’Etat irlandais semble s’en accommoder d’un cœur bien léger.

En principe, la BCE est indépendante et les Traités lui interdisent de recevoir des instructions de quelque Etat membre que ce soit. Bien que son mandat ne prévoit pas qu’elle serve de prêteur aux banques en dernier recours, la BCE a, depuis le début de la crise, accepté cette mission car sinon des crises systémiques bancaires se seraient produites, mais la BCE n’avait certainement pas prévu qu’elle soit amenée à financer des banques irlandaises spéculatives incapables de trouver sur les marchés ou les prêts interbancaires les refinancements nécessaires.

Les deux auteurs ont publié en août 2010, La vérité sur la crise. Pour en savoir plus sur ce livre, cliquez-ici.

Morad El Hattab et Irving Silverschmidt