L’aviation fait face à trop d’obstacles règlementaires pour transporter efficacement le vaccin

23 Novembre 2020
Linus Bauer



Le développement d'un vaccin n'est que la moitié du problème. Le plus grand défi sera la distribution de 16 milliards de doses de vaccin à une échelle inimaginable (l'équivalent de 8 000 vols tout-cargo de Boeing 747). L'aviation jouera un rôle important dans ce défi à l’échelle internationale. Selon l'IATA, il s'agira du plus grand transport aérien d'une seule marchandise jamais réalisé.


Un défi gigantesque

Plus de la moitié des doses de vaccins dans le monde devraient être transportée par fret aérien, ne serait-ce qu'en raison de sa rapidité et de sa fiabilité. La pandémie a causé des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement pharmaceutique en raison des problèmes de capacité du fret aérien résultant du verrouillage et de la suspension des vols de passagers. Dès aujourd’hui, certaines organisations prennent des mesures pour s'assurer que les meilleures dispositions logistiques soient mises en place avant la certification des vaccins et leurs expéditions.

Toutefois, le défi est gigantesque et le rôle des autorités mondiales dans le processus de coordination n’est toujours pas complètement défini. La production du vaccin devrait commencer d'ici la fin de l'année et atteindre son maximum au deuxième trimestre 2021. Les aéroports doivent commencer à évaluer comment ils pourraient participer à cet exercice de « distribution colossale ».


Une surveillance constante

Afin de renforcer la sécurité dans les aéroports des infrastructures telles que : des clôtures de sécurité, un accès restreint aux zones pharmaceutiques, une couverture 24h/24h et 7 jours sur 7 via la surveillance vidéo en circuit fermé et des systèmes d'alarme anti-intrusion, devraient être mises en place. Outre la sécurité, les exigences en matière de température pour le transport du vaccin sont d'une importance capitale. L’aviation est expérimentée dans le transport de vaccins maintenus à une température entre 2 °C et 8 °C , cependant, les doses de vaccins nécessitent un autre niveau de refroidissement - aussi bas que -80 °C.

Il faut veiller à la préparation de la capacité de manutention des produits pharmaceutiques et élaborer des plans pour l’augmenter en cas de besoin. Selon le Programme alimentaire mondial, dans les aéroports internationaux il existe 12 installations de manutention pharmaceutique à température contrôlée - Amsterdam, Barcelone, Bruxelles, Le Cap, Copenhague, Francfort, Johannesburg, Londres, Madrid, Miami, New York JFK et Paris CDG.

Les capacités de ces installations comprennent par exemple la possibilité de gérer des expéditions nécessitant le stockage à température différente, la surveillance en temps réel de la température et des alarmes, des capacités complètes de suivi et de localisation, et la manutention active de conteneurs à température contrôlée. Comme d'autres aéroports envisagent leur avenir commercial après COVID-19, les installations de manutention des produits pharmaceutiques devraient inévitablement figurer sur leur liste de priorités.


Trop d'obstacles

Pour assurer la livraison rapide des vaccins, nous avons besoin de l'aide des compagnies aériennes. Toutefois, un autre défi majeur nous attend : le système anachronique de gestion des compagnies aériennes. Il est évident que les obstacles règlementaires et les barrières commerciales, souvent absurdes, mises en place par les gouvernements, constituent l'une des principales faiblesses de l'aviation. C'est pourquoi les mesures suivantes devraient être prises par les gouvernements avant le passage à l’acte : 

 
Les opérations de fret aérien doivent être exclues de toute restriction de voyage afin d'assurer le transport des produits médicaux vitaux sans interruption.

 
Des mesures standardisées doivent être mises en place dès le début afin que les vaccins puissent être acheminés par  fret aérien avec un minimum de perturbations.

 
Les membres d'équipage doivent être exemptés des exigences de quarantaine de 14 jours.

 
Enfin, les obstacles économiques (par exemple les redevances de survol, les frais de stationnement dans les aéroports et les restrictions de créneaux horaires) devraient être supprimés.

 
L'ensemble du secteur de l'aviation jouera sans aucun doute un rôle important dans la vaste campagne mondiale visant à éradiquer le virus COVID-19. Il doit donc prendre conscience des défis logistiques qui l'attendent lorsque les vaccins seront prêts à être distribués avec qualité et fiabilité. La distribution du vaccin va faire passer l'ensemble de l'industrie aéronautique à un tout autre niveau."

A propos de l'auteur : Linus Bauer est conférencier sur le transport aérien à la « City University of London ».


Linus Bauer