Entreprises familiales et COVID, quelles tendances pour le monde d'après ?

25 Janvier 2022
Rémi Lepage



Les entreprises familiales représentent une part importante dans l’économie française. Leur solidité financière leur permet d’être plus résilientes face aux crises et de pouvoir se projeter sur le long terme mais jusqu’à quand ? Pour perdurer et rester compétitives dans cette période COVID, les entreprises familiales et non familiales doivent résister aux turbulences : comment font-elles ? Quels sont leurs nouveaux défis ? Quels enjeux pour la gouvernance de l’entreprise au fil des générations ? Comment la culture entrepreneuriale et la culture familiale cohabitent-elles en période de crise ? Une étude réalisée par l’Observatoire National de l’Entrepreneuriat Familal français, lancé il y a 2 ans par la chaire Entrepreneuriat Familial et Société d’Audencia, en partenariat avec le FBN (Family Business Network) France, permet d'y voir plus clair.

La crise sanitaire n'a pas d'impact sur le niveau de confiance des entreprises

Autant de questions auxquelles l’Observatoire national de l’entrepreneuriat familial répond dans ce second rapport. En comparant les réponses récentes données par les dirigeants d’entreprises familiales (EF) et non-familiales (ENF) à celles de 2019, réalisées avant la période COVID, les résultats mettent en lumière des constantes ainsi que des changements intervenus lors de la crise. Les entreprises familiales ont su traverser la crise COVID avec succès, gardant leur confiance en l’avenir intacte par rapport à 2019. Leur résilience s’est concrétisée en une démarche d’innovation encore plus forte qu’en 2019, en une réflexion encore plus poussée autour de la RSE, et un renouvellement certain de leurs pratiques de gouvernance. Toutefois, les résultats montrent aussi que des angles morts persistent, aussi bien pour les entreprises familiales que non familiales.

9/10 des dirigeants des entreprises interrogés restent majoritairement confiants en l’avenir économique de leur entreprise pour les 5 prochaines années :
La crise du COVID n’a pas entamé cette confiance (91% en 2021 et 93% en 2019). Le nombre de dirigeants « tout à fait confiants » a même doublé entre la première et la deuxième édition de l’Observatoire (32% en 2021 contre 16% en 2019).


Les dirigeants des entreprises familiales sont plus optimistes (38%) que leurs homologues des entreprises non familiales (29%) en 2021, avec une réelle progression depuis 2019. Les dirigeants ont donc une vision plutôt positive des résultats de leur entreprise. Ceci est notamment le cas des PME, ETI et GE. Plus de 90% de leurs dirigeants estiment que leurs entreprises ont été performantes en matière de chiffre d’affaires contre 82% pour les TPE.


Des salariés confiants pour l'avenir

Malgré la pandémie, le niveau de confiance des entreprises familiales est supérieur à celui des entreprises non familiales. Les dirigeant sont plus confiants dans le développement de leur entreprise, sa croissance et sa pérennité. Le modèle unique des entreprises familiales, basé sur le financement en fonds propres et une trésorerie solide, a été un réel atout pour traverser la crise COVID. En faisant le choix, par exemple, de puiser dans leurs ressources propres, elles ont pu garder leurs effectifs et investir dans la R&D.

Au cœur des entreprises interrogées, 7 salariés sur 10 se disent optimistes quant à l’avenir économique de leur entreprise pour les 5 prochaines années (67% pour l’année à venir) :
Les salariés des secteurs de l’industrie et des services sont les plus confiants, en particulier les 50-64 ans (75%). Ces derniers ont connu plus souvent des crises et des bouleversements sociaux que les 25-34 ans. À l’image des entreprises familiales, ils sont devenus plus résilients face aux difficultés. Les résultats de l’Observatoire montrent qu’ils sont majoritairement confiants quant au développement (63%), à la pérennité et à la croissance (61%) de l’entreprise et en sa capacité d’innovation (58%), même en période de crise.

Travailler en famille, au niveau des dirigeants comme des salariés, a des impacts positifs sur la famille ET sur l’entreprise :
•    Diriger une entreprise dans un contexte familial est perçu comme un avantage dans le cadre privé par 3/4 des dirigeants d’entreprise familiale.
•    Et travailler en famille est perçu comme un avantage dans le cadre privé par 2/3 des salariés travaillant avec des proches.

Toutefois, les salariés sont moins confiants s’ils travaillent en famille. En effet, ils sont relativement moins confiants en la santé financière de l’entreprise (65% contre 76% pour ceux qui ne travaillent pas en famille). Si l’entreprise rencontre des difficultés, les salariés pourraient craindre un licenciement pour eux et/ou le membre de leur famille. Les conséquences seraient alors préjudiciables au niveau non seulement individuel mais aussi familial.


La crise sanitaire, un accélérateur d'innovation ?

Les entreprises ont beaucoup misé sur les salariés en les fidélisant (92% en 2021 contre 85% en 2019) et en maintenant les emplois en télétravail ou en chômage partiel. De nouveaux talents (79% en 2021 contre 71% en 2019) ont été recrutés pour développer le digital dans toutes ses formes (e-commerce, réseaux sociaux, site web, référencement etc…), développant ainsi l’inclusivité de leur démarche commerciale tout en innovant.

80% des entreprises familiales interrogées considèrent avoir été beaucoup plus performantes dans leurs capacités d’innovation (contre 53% en 2019) pendant la période du COVID. Cette démarche renforcée d’innovation se reflète notamment dans les investissements en R&D et dans les projets entrepreneuriaux des membres familiaux. Une fois le choc passé suite aux annonces gouvernementales, elles ont su rebondir et trouver des solutions rapides pour s’adapter à la situation.

Une culture d'entreprise forte, renforcée par l'entrepreneuriat

Les entreprises familiales connaissent un changement plus important dans la culture d’entreprise par rapport aux entreprises non-familiales, et ceci quelques soit le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise : la culture familiale diminue légèrement par rapport au premier Observatoire (52% en 2021 contre 64% en 2019), alors que la culture entrepreneuriale augmente (49% en 2021 contre 25% en 2019), ce qui est également le cas de la culture de la communication (41% contre 36%) et de la culture de l’innovation (28% contre 26%).

La culture entrepreneuriale est soutenue par la culture familiale avec des investissements en faveur des projets entrepreneuriaux des membres de la famille (17% en 2021 contre 11% en 2019), qui ont autant leur place que le financement de la R&D (16% en 2021 contre 21% en 2019). Le soutien financier apporté à l’entrepreneuriat intergénérationnel est encouragé par la présence des membres familiaux aux postes de direction opérationnelle.

Pour alimenter cette culture entrepreneuriale au sein de l’entreprise, les dirigeants favorisent l’entraide entre les salariés (75%) en valorisant ceux qui prennent des initiatives sans craindre les échecs (66%).

Une évolution moins favorable concerne le développement de nouveaux marchés, très impacté par la crise COVID (51% en 2021 contre 77% en 2019). Dans le détail, cela représente une forte diminution :

pour les entreprises familiales (47% en 2021 contre 75% en 2019) et pour les entreprises non familiales (53% en 2021 contre 79% en 2019).

Ceci est certainement dû à la fermeture des commerces non essentiels et des frontières, aux mesures de confinement, de couvre-feu et de déplacements restreints.


Les entreprises familiales revendiquent un engagement responsable plus important

Face à la crise COVID, 81% des dirigeants (EF et ENF) pensent avoir été plus performants dans leur politique RSE en 2021 (contre 63% en 2019). Les entreprises savent désormais qu’elles sont scrutées et jugées sur leur impact environnemental et sociétal. Cependant, la RSE devrait être envisagée comme un levier de compétitivité et pas seulement comme un outil de communication ou marketing. Les entreprises familiales sont les plus avancées sur ces sujets. Elles ont depuis toujours construit un modèle durable grâce à leur impact positif sur le développement économique local, l’emploi et l’environnement.


C’est ainsi que l’engagement responsable (50% EF contre 36% ENF) et le bien-être au travail (73% EF contre 52% ENF) sont particulièrement revendiqués par les entreprises familiales comme des priorités par rapport aux entreprises non-familiales. Par ailleurs, les nouveaux actionnaires familiaux arrivés au sein des instances de gouvernance d’entreprises familiales sont très attentifs à cette transformation.


Rémi Lepage