Droit à l'oubli sur Google : des démarches encore compliquées

2 Décembre 2014
Rémi Lepage

La demande de Malek Mokrani refusée malgré les preuves de son usurpation d'identité.



Malek Mokrani, victime d'une vaste usurpation d'identité, a fait appel à Forget.me pour sa demande de droit à l'oubli. Un mois plus tard la réponse tombe : c'est non ! Pourtant, Malek a bénéficié d'une décision de justice, prouvant que les comptes de réseaux sociaux dont il demandait la désindexation ont bien été créés de manière frauduleuse. Google justifie sa réponse par la phrase standard des refus concernant les comptes de réseaux sociaux : « Il semble que vous soyez l'auteur du contenu que vous nous avez demandé de supprimer [...] Nous vous recommandons d'utiliser en priorité les moyens de contrôle disponibles sur ce site... »

Malek subit depuis plusieurs années les attaques d'un ancien collaborateur, qui a mis en place des dizaines de faux comptes de réseaux sociaux à son nom, des inscriptions sur des sites à caractère pornographique, des centaines d'envois de mails injurieux à tous ses contacts... Il ne dispose bien entendu d'aucun accès à ces comptes et ne peut donc les modifier comme le lui conseille Google. « Ma vie a été détruite, mes contacts professionnels ont perdu confiance en moi, ma santé s'est dégradée, j'ai dû quitter mon appartement, ma fille ne veut même plus porter mon nom ! Depuis quatre ans on me fait passer pour un escroc, un pédophile, un cocaïnomane... J'ai gagné mon procès et malgré tous ces éléments Google me fait une réponse standardisée, comme le ferait un robot » explique Malek Mokrani.

Pourtant, lors de sa demande il propose à Google de lui fournir les documents prouvant la condamnation de son harceleur : « Ces informations me sont préjudiciables [...] non légitimes, le référencement sur internet de ces informations porte atteinte à ma réputation. Une décision de justice a par ailleurs prouvé l'usurpation de mon identité, je peux vous l'envoyer si vous le souhaitez ». Etonnement, le moteur de recherche n'a pas demandé à voir ce document. Une deuxième demande de droit à l'oubli, portant sur des URLs d'annuaires, a été faite simultanément. Dans ce cas, Google a répondu en demandant à avoir la justification du lien entre Malek Mokrani et la France. Malek Mokrani est de nationalité algérienne. Il réside en France depuis 24 ans. Il a fait sa demande à Google en attachant la copie de son titre de séjour valable 10 ans. « Je ne comprends pas pourquoi Google me demande de justifier mon lien avec la France alors que j'ai fourni une copie de mon titre de séjour. Le droit à l'oubli est pour tous les résidents européens sans distinction de nationalité. Pourquoi Google fait-il une distinction dans mon cas ? » demande Malek Mokrani.

Le droit à l'oubli en quelques chiffres

Six mois après la mise en ligne du formulaire Google, le processus de traitement des demandes de droit à l'oubli a-t-il évolué ?

·        Le temps de traitement :

Le temps de traitement des réponses se stabilise à 30 jours environ. Un délai jugé encore trop long par Malek. Mois d'envoi Délai de traitement moyen (en jours) Juin 56 Juillet 44 Août 26 Septembre 34 Octobre 26  
·        Google dit-il plus souvent oui ou non ?

Le pourcentage de réponses positives se stabilise aux alentours des 30%. On remarque très nettement la baisse de ce pourcentage au fil du temps. Mois de réponse OUI NON Juin 57% 43% Juillet 42% 58% Août 33% 67% Septembre 34% 66% Octobre 29% 71%  
·        Quelle est la typologie de demande la plus fréquemment utilisée ?

Les demandes liées à la vie privée représentent 54% de toutes les demandes.
  Type de demande % d'URLs Atteinte à la vie privée 54% Atteinte à la réputation 13% Usurpation d'identité 4% Atteinte à l'image 4% Procédure pénale 3% Personne décédée 2% Atteinte à la présomption dinnocence 1% Homonymie 1% Autre 18% Total 100%

Plus de 3 500 demandes liées à l'usurpation d'identité

Les demandes de désindexation concernant la catégorie « usurpation d'identité » représentent 4 % des URLs envoyées. C'est la troisième catégorie utilisée pour les demandes de droit à l'oubli. Sur Forget.me, cela concerne 186 demandes. Forget.me représente environ 5% des demandes Google, ce qui voudrait dire qu'en extrapolant, Google aurait reçu plus de 3 500 demandes liées à l'usurpation d'identité. « Derrière les demandes de droit à l'oubli il y a souvent des personnes qui souffrent. Un refus injustifié du moteur ne fait qu'alourdir leur souffrance et le fait de ne pas pouvoir dialoguer avec le moteur crée un sentiment de frustration très fort » conclut Bertrand Girin, Président de Reputation VIP.

Rémi Lepage