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La trappe à liquidités : le piège à éviter

16 Novembre 2010
Morad El Hattab et Irving Silverschmidt
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La trappe à liquidités : le piège à éviter
Officiellement la crise est finie, les profits du CAC 40 ont augmenté de 87 %, ils sont passés de 22,2 milliards € au premier semestre 2009 à 41,5 milliards € au premier semestre 2010. Le journal La Tribune du 2 Septembre 2010 a pu annoncer (pour le CAC 40) quelque 80 milliards € de bénéfices sur l’ensemble de l’année 2010, soit à "quelques encablures" du record enregistré en 2007 (100 milliards €). Ces "quelques encablures" représentent tout de même une baisse de 20 % !

Des taureaux et des ours

À vrai dire, depuis août 2007, les gestionnaires sont répartis en deux camps : les gérants de portefeuilles d’actions et les spécialistes des marchés de crédit. Les premiers sont toujours des "taureaux" optimistes puisqu’ils annoncent des hausses qui ne s’arrêtent jamais (et pourtant les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel !). Quant aux seconds, ce sont des "ours" sinistres qui clament les précipices de la baisse.

C’est à croire qu’à l’intérieur d’une même banque, ces deux groupes ne se parlent pas, ne se rencontrent pas, et d’ailleurs, c’est souvent vrai…Le camp des "taureaux" manipule les politiques qui depuis leur dépérissement chantent le grand air de la relance ou mieux de la "rilance" (rigueur + relance combinées). Manifestement, ce camp s’étend aux Banques Centrales. Ainsi Jean-Claude Trichet (Président de la BCE) évoque déjà la "poussière qui recouvre la crise" tandis que Mr Ben Bernanke (Président de la FED) s’affirme d’un sage optimisme que tempère sa volonté d’agir contre le retour des ennuis.

L’inconvénient, c’est que les marchés financiers ne suivent pas. En effet, ils sont à présent peuplés par des "ours". Certes, la BCE a éteint la menace d’incendie du mois de mai 2010. Elle avait alors prêté 40 milliards € aux banques portugaises et 130 milliards € aux banques espagnoles. A chaque fois, elle a pris en garantie les obligations de ces Etats. Or, les banques du Portugal et de l’Espagne avaient ces derniers mois souscrites quelque 70 % des émissions d’obligations d’Etat et du Portugal et de l’Espagne ! Comme le disait Molière : "Cachez ces seins que je ne saurais voir".

"I want my money back"

Malgré tout, des braises n’ont pas disparu, elles ont mis le feu à l’Irlande, bien embarrassée pour garantir ses banques alors qu’elle n’en a pas vraiment les moyens…chers lecteurs, avez-vous 25 milliards € pour garantir l’Anglo Irish Bank ? Après les secours de la BCE, les marchés ont été refroidis mais chez les investisseurs la peur est toujours là. Normalement, l’homo-economicus (et c’est le cas des investisseurs) est conduit : soit par la cupidité, il exige alors des rendements et des bénéfices ; soit par la peur et comme le disait Margaret Thatcher : "I want my money back" (Je veux mon argent).

Si aujourd’hui la cupidité dominait, une bulle boursière se gonflerait certainement tandis que les Tours pousseraient nombreuses au Camary Wharf et à la Défense. Ce n’est pas le cas, et de plus, l’on ne trouve nulle trace de crédit pour gonfler des bulles financières à l’exception de quelques spéculations sur les matières premières. Tandis que les éternels audacieux empruntent à faible taux d’intérêt des dollars ($) pour les semer à Singapour, Hong-Kong et Shanghai. Donc la cupidité ne domine guère et en fait la peur dirige les investisseurs.

En effet, la réalité de l’observation des grands placements suggère que la "rilance" cache plutôt une trappe à liquidités qui ne se referme pas. Le phénomène de la « trappe à liquidités » est le reflet du manque de confiance des investisseurs, ceux-ci fuient le risque vers la sécurité et se placent vers la liquidité ou vers les placements les moins risqués.

L’accumulation des liquidités

La trappe à liquidités : le piège à éviter
Ce phénomène se manifeste d’abord par la thésaurisation (l’accumulation) des liquidités. Pour preuve, malgré la reprise depuis le printemps 2009, les liquidités détenues par les entreprises américaines atteignent toujours, au début de l’automne 2010 quelque 2000 milliards $. Partout, les entreprises thésaurisent des liquidités pour faire face à de futures réductions importantes de crédit par les banques. Les entreprises n’investissent plus car elles ont peur, tout cela ressemble fort aux écureuils qui stockent leurs noisettes pour l’hiver !

Les crédits bancaires s’essoufflent, les particuliers et les entreprises continuent de thésauriser les liquidités. Aux Etats-Unis, depuis le début 2010, les petits actionnaires réduisent leurs portefeuilles d’actions, tout ceci ne donne pas vraiment l’impression d’une relance des investissements. On constate la fuite des investisseurs vers la qualité avec la forte baisse des taux d’intérêts des obligations du Trésor des Etats notés « AAA ». Pour preuve, au 13 Septembre 2010, les « T Bonds » à 10 ans du Trésor américain rapportent 2,8% ; les « Bunds » à 10 ans de l’Allemagne 2,4% et les « Bons du Trésor » de la France ont un taux de 2,7%. Ces taux d’intérêts ne sont pas précisément élevés !

Aussi, l’Indice Dow Jones Industrial ne s’établit qu’à 10.463, on a vu beaucoup plus…loin d’une croissance des bourses d’actions qui se joue au célèbre chant des gérants de portefeuilles : « Armons-nous et partez, revenons victorieux »… tous les éléments de la trappe à liquidités semblent donc réunis !

Certes, les banques ont recommencé à se prêter entre elles mais elles peinent à attirer des capitaux sur les marchés alors que leurs fonds propres sont plutôt insuffisants. Elles peinent aussi à emprunter alors que leurs dettes (emprunts) arrivent massivement à échéance en 2011 et 2012.

Un avenir japonais

A ce jour, tout l’argent disponible va aux liquidités ou aux seuls emprunteurs jugés vraiment sûrs, c’est bien la définition même de la trappe à liquidités. Une telle situation peut entraîner une de ces deux conséquences possibles :

- Une crise financière que les investisseurs se préparent à affronter, ils ont alors besoin de liquidités ou de créances sur les Etats « AAA » qui sont d’ailleurs les prêteurs en dernier ressort. Cependant, il n’est pas sûr qu’une crise bancaire soit imminente. En effet, comme le célèbre 20ème de cavalerie, la Federal Reserve américaine fera ce qu’il faut pour l’empêcher.

- Un avenir japonais car l’actuelle fuite vers les liquidités et vers la sécurité refuge assèche le crédit aux entreprises et les investissements. Faute de ressources, la consommation reste atone et la croissance s’arrête. Comme dans la France ou l’Angleterre des années 1930, la production industrielle s’établit en-dessous des niveaux d’avant la crise (août 2007).

Cette seconde perspective demeure la plus vraisemblable car l’expérience historique des crises précédentes montre la difficulté d’en sortir et les dégâts collatéraux progressifs (effondrement des investissements) qui en résultent. Alors, la France… un avenir japonais…cela s’appelle un honorable seppuku !

Les deux auteurs ont publié en août 2010, La vérité sur la crise. Pour en savoir plus sur ce livre, cliquez-ici.



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