Economie et société - Les clés pour comprendre l'actualité

Comment sortir de l'euro ?

19 Août 2013
Louis Peretz
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Le bilan de la monnaie commune et unique est connu : la suppression des frontières financières qui depuis son institution définitive en 2001, a permis aux grandes entreprises et multinationales de progresser. Mais la concurrence libérée entres celles-ci a exacerbé leur compétitivité, au détriment de l’emploi. La crise n’en est pas responsable en totalité : la croissance en Europe était déjà en perte de vitesse. La cote de l’euro fort a entraîné des délocalisations. Les entreprises exportatrices en souffrent également : le recours à la dévaluation d’une monnaie qui n’est plus nationale n’étant pas possible, l’export est freiné, donc l’emploi diminue dans toute la zone, accentuant la crise. Le « dumping social » de l’importation des produits achetés à bas prix grâce à l’euro, fait disparaître certaines catégories d’entreprises et crée là aussi le chômage.

La finance, la grande gagnante

Comment sortir de l'euro ?
Les petits pays sans grandes ressources naturelles, avant leur entrée dans la zone euro, n’avaient pas les moyens d’importer les produits (voitures, énergie, matières premières, etc.) fabriqués dans les pays à forte économie. La monnaie unique devenue forte leur a permis d’y accéder. D’où leur désir, comme semblent le dire les sondages, de rester dans la zone euro. Mais maintenant la facture se présente sous la forme d’une dette souveraine colossale difficile à payer.

Les ouvertures des frontières, depuis les disparitions de l’octroi, ont toujours profité à certaines entreprises puissantes au détriment d’autres plus faibles. En revanche, la finance, partie prenante permanente dans les échanges, a profité de la liberté accrue des mouvements monétaires pour s’enrichir en accompagnant le système. Mais si ce rendement ralentit comme c’est le cas depuis des décennies. Les banques spéculent plus facilement en s’éloignant de l’investissement en entreprises devenu moins profitable cause de la concurrence. Elles prêtant aux États depuis qu’il a été interdit à ceux-ci, par les traités européens, d’emprunter à leurs banques centrales.

Une sortie progressive

Malgré cela, nos oligarques et économistes orthodoxes poussent des cris d’orfraie quand quelques opposants au système actuel osent dire qu’une sortie de l’euro serait souhaitable (Fredéric Lordon, dans le Monde diplo d’août 2013). Ce serait la catastrophe. Curieusement ils ne disent pas en quoi ni pour qui. Par exemple pour la Grèce, ce serait la ruine. Même la population espère l’éviter. Comme si ce n’était pas déjà le cas. Que disent leurs dirigeants ? La drachme ressuscitée n’aurait plus de valeur. Et alors ? Les grecs ne pourraient plus acheter de quoi manger ? Non plus s’habiller parce que tout serait plus cher à cause de l’inflation ? Également peur de celle-ci. Sans savoir que celle-ci, inhérente à la croissance, n’est pas aussi redoutable que l’on croit. Peur de l’isolement, mais mal informée : indépendance financière ne veut pas dire autarcie.

Arrêtons ce type de raisonnement basé sur la peur de l’inconnu. Une monnaie a une valeur purement conventionnelle qui est établie par l’usage. Si par exemple on remplaçait en Grèce, l’euro par l’euro-drachme, ou toute autre nom de monnaie, il suffirait qu’on se réfère à l’ancienne monnaie, l’euro, pour lui attribuer une valeur. La sortie de l’euro devra se faire progressivement. Il faudra se calquer sur le même scénario, mais à l’envers, que celui qui l’a introduit entre 1999 et 2001. Reprendre les mêmes dispositions par étapes de façon à éviter le seul risque de panique qui surviendrait en cas de précipitation, chacun faisant la queue aux guichets bancaires par peur de se trouver désargenté pour ses besoins courants. Pour éviter ce risque irrationnel, il faudra donc expliquer officiellement la démarche qui consistera dans un premier temps à ne s’occuper que de l’économie réelle, celle qui concerne la monnaie nécessaire aux achats quotidiens. Par exemple en France, on fera fabriquer des espèces libellées en euro francs ou en francs. Le premier libellé étant destiné à montrer que la nouvelle monnaie reste encore reliée à l’euro. Supposons que la Grèce re-fabrique en interne sa monnaie qu’elle appellerait donc drachme ou euro-drachme. Elle serait décrétée officiellement comme équivalente, dans un premier temps à l’euro, encore en circulation. Les prix seront sans changement pour la population.

Cohabitation

Dans un premier temps l’euro cohabitera donc pendant une durée probable de un an nécessaire à son remplacement progressif effectué par les banques. Il sera également procédé à son remplacement dans les comptes courants des particuliers et des entreprises. Cette opération pouvant s’actualiser sans précipitation, le temps d’effectuer la modification dans les programmes informatiques. Je rappelle que dans l’ancien temps, des monnaies différentes ont cohabité en France, telles que la livre, le franc, l’écu. Que le franc Pinay a remplacé les anciens francs en enlevant simplement deux zéros, 5 francs nouveaux valant 500 francs anciens. Mesure qui avait pour but de diminuer l’inflation en donnant psychologiquement plus de valeur à cette nouvelle monnaie. Bien entendu, au fur et à mesure que les euros disparaissent des comptes bancaires, ils seront automatiquement retirés des comptes de la BCE. Ce type d’opération a lieu de toute façon en permanence pour ajuster les variations des flux monétaires par le trésor public.

Reste le risque, donné comme catastrophique de l’existence de la monnaie en euro à l’étranger appartenant à ceux qui en fait n’en ont donc pas besoin à l’intérieur. Puisque cet argent n’est pas utilisé pour la circulation interne rien ne se passe non plus. Certes il peut être mis en réserve, en retenant d’éventuels investissements productifs à plus ou moins long terme, ce qui peut ralentir la croissance. Ce qui est déjà le cas dans de nombreux pays de la zone euro, dont évidemment la Grèce. Concernant la croissance, le pire est déjà là pour de nombreux pays. Le risque de fuite des capitaux que certains évoquent comme catastrophique dès l’annonce du retour à une monnaie nationale, est de toute façon sans incidence immédiate dans l’économie réelle, car ils ne sont pas investis sur place dans le circuit productif.

Pas de pertes

Cette monnaie n’existe que sur les marchés financiers. Placée dans des comptes extérieurs elle ne pourra probablement plus réintégrer des comptes nationaux qu’avec des pénalités annoncées comme pouvant dépasser le niveau de la future dévaluation. Ce qui serait dissuasif pour ceux qui seraient enclins à procéder à ce type d’opérations. Bien entendu, pour les investissements et les besoins financiers à moyen et long terme, les banques résidentielles fourniront la monnaie nécessaire, au besoin après nationalisations, à des taux qui sur ordre de la banque Centrale nationale, détachée de la BCE qui ne gère que l’euro, permettront la relance rapidement. Il sera alors peut-être nécessaire de transgresser les articles de l’U.E qui l’interdit. Sortir de l’U.E de facto ou à l’aide de l’article 50 n’aurait guère d’incidence. Tous les pays européens n’en font pas partie. A noter que la G.B semble se diriger vers cette voie.
Dettes

Quant aux remboursements des emprunts internes libellés en euros, il n’y a aucune raison pour que les emprunteurs et prêteurs subissent des pertes du fait de la parité des deux monnaies. Rembourser les dettes externes venant à échéance se ferait encore en euros un certain temps puisque celui- ci aurait encore cours. Les argentins, il y a une décennie, ont refusé de rembourser les dettes externes ce qui les a renfermé des années dans une autarcie difficile qui ne lui permettait plus d’importer certaines produits indispensables, matières premières et énergie aux prix avantageux précédents. Ajustage difficile parce que trop brutal. Concernant les mouvements monétaires externes impliquant des remboursements de dettes souveraines à court terme, il suffirait d’un accord amiable pour les annuler purement et simplement, par un jeu d’écriture, évidemment accepté par les banques centrales des créanciers. Mettre dans la colonne adéquate (Actif) des bilans bancaires, la somme due comme étant, fictivement, remboursée ne léserait personne. La banque n’a rien perdu, elle récupère son argent intégralement dans ses comptes, le débiteur de son côté est quitte. Un simple jeu d’écriture qui ne lèserait personne. Bien entendu, il faudrait que la banque centrale du pays concerné accepte cette dérogation à la règle d’un non remboursement. Ce bonus de faux remboursement anticipé renforcerait aussitôt les réserves des prêteurs. Certaines banques, encore fragiles, seraient ainsi renflouées. Elles pourront ainsi facilement supporter une perte de valeur des remboursements des intérêts futurs. Mais à choisir entre ce manque à gagner, plus ou moins fort, et celles dues aux restructurations acceptées ou celles des menaces de pertes parfois totales, donc sous la pression de non remboursements…

Rien ne vaudrait de prendre ce type de dispositions à l’avance pour éviter des mouvements financiers intempestifs. Ces accords pourraient être entérinés par les banques centrales des pays européens, y compris la BCE de façon à en contrôler l’usage. Accord évident pour la Grèce et certains pays de la zone sud de l’Europe en difficulté de remboursements, donc mal notés par les agences de notation, ce qui accentue leurs difficultés. Dès cette opération effectuée, les notes seront automatiquement remontées, ce qui permettrait de nouveaux emprunts à des conditions moins draconiennes. La « troïka » n’imposerait plus des mesures absurdes qui rendent exsangue le pays concerné. Il est entendu que ces négociations porteront sur les volumes des sommes dues, à plus ou moins court terme, de façon à éviter les excès de masse monétaire disponible qui risquerait d’entraîneraient une forte inflation, si, trop importantes, elles étaient brutalement réinvestie en monnaie nationale circulante.

Dévaluations

Dans un premier temps rien ne serait modifié sur les marchés intérieurs. Que se passerait-t-il alors au sujet des produits importés ? Concernant les échanges du commerce extérieur, ils devront être négociés pays par pays pour aboutir à une dévaluation moyenne éventuelle qui n’aurait lieu qu’en fin d’opérations. Je rappelle que jusqu’à cette date, toutes les opérations extérieures continuaient à se faire en euro entre les entreprises concernées. Pour connaître la valeur réciproque de deux monnaies des pays étrangers, il faut comparer la puissance économique, donc le pouvoir d’achat de l’une et l’autre. On compare le prix des produits de la nourriture et tous produits courants. Le seul impératif est de ne pas ajuster dans la précipitation. Si les producteurs et commerçants de chaque pays prennent le temps d’étudier les prix moyens des catégories jugées indispensables auxquels ils devront être échangés, rien ne se passera d’anormal au moment de la disparition de l’ancienne monnaie.

Après accord entre les pays, on aboutira ainsi à une dévaluation moyenne qui sera valable pour tous, quitte après un certain temps expérimental, de procéder à un ajustement précis. Ceci étant valable pour les pays à économe classée comme moyenne ou faible. En effet, si les dévaluations qui ont eu lieu dans le passé ont toujours été effectuées sous la pression de l’inflation interne qui rendait la monnaie faible à l’étranger, actuellement le processus est inversé. L’inflation presque nulle. Le niveau de la dévaluation implique une amélioration du commerce extérieur, d’autant plus que la cote de l’euro commencera à baisser dès l’annonce de la sortie d’un premier pays décidé à sortir de sa zone. Le maître mot étant « de la mesure » dans les actions qui font bouger les flux financiers, il n’y aucune raison que des ajustements destinés à de nouveaux équilibres entre les pays de l’Europe provoquent la moindre catastrophe. La zone euro pourrait subsister entre pays du Nord qui semblent, pour le moment, s’en accommoder. Les pays qui sortiront de la zone euro rejoindront ainsi la dizaine de ceux qui n’y sont pas entrés. Les spécialistes et les oligarques qui tiennent à l’existence de la monnaie unique, et crient à l’autarcie si l’on veut s’en séparer, sont-ils conscients qu’en réalité ils font le jeu de la finance ? Celle-ci qui tout naturellement joue son propre jeu en cherchant le meilleur gain en taux d’intérêt, serait ainsi pour la première fois contrôlée, au niveau des Etats, et pourrait revenir aux gains en investissements productifs dans l’entreprise au bénéfice, cette fois de l’emploi.

N.B : Pour ceux que le développement de cette technique monétaire intéresse, comme celle en général de l’économie financière : « En finir avec les crises et le chômage » Edilivre.com



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