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Politique budgétaire : haro sur les dépenses anachroniques et improductives

12 Janvier 2015
Christian Jimenez
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Alors que le Conseil Constitutionnel vient d’approuver le budget 2015 et le budget rectifié de 2014, il est encore bien difficile de donner du crédit au plan d’économies budgétaires de l’Etat français. Dans la loi de finances rectificative 2014, l’essentiel du « coup de rabot » provient non seulement de la suppression de la déductibilité fiscale de différentes taxes, du renforcement de la lutte contre la fraude à la TVA, mais aussi d’une révision inespérée des anticipations relatives au coût de la dette française.

Une moindre croissance des dépenses

Quant au projet de loi des finances 2015, le texte prévoit 21 milliards d’économies sur un an. Pas assez aux yeux de la Commission Européenne, qui a octroyé un sursis à la France jusqu’en mars 2015, pour réaliser 4 milliards d’économies supplémentaires. Des dépenses publiques encore en croissance et improductives. Ces opérations pour améliorer le solde et rendre le budget un peu plus convaincant, reposent sur une réévaluation hypothétique des recettes fiscales (via, notamment, un meilleur rendement des contrôles fiscaux) dont rien ne nous dit qu’elle sera effective.

Surtout, la méthodologie comptable employée est discutable, puisque les coupes revendiquées s’appuient sur une dérive tendancielle et non sur une comparaison aux standards des années précédentes. En d’autres termes, lorsque les pouvoirs publics évoquent des mesures d’économies, il s’agit en réalité d’une moindre croissance des dépenses. C’est ainsi que les dépenses publiques totales continuent d’augmenter : après une hausse de près de 50 milliards entre 2012 et 2014, celles-ci devraient connaître une progression comprise entre 5 et 10 milliards entre 2014 et 2015.

Dans l’absolu, aucune mesure de gestion saine n’est mise en œuvre et le déficit de l’État s’établira à 88,2 milliards cette année (soit un déficit public de 4,4% du PIB). La problématique n’est pas la dépense en tant que telle, mais sa nature. D’une année à l’autre, d’un mandat présidentiel à l’autre, l’exécutif peine à intégrer de « bonnes dépenses » pour stimuler l’investissement et relancer l’économie à long terme, tandis que l’essentiel du déficit est causé par le coût des « rustines », ces dépenses qui ne créent pas de richesses mais comblent dans l’urgence les manques (comme le déficit des caisses primaires d’assurance maladie). Le grand emprunt, projet lancé par la France en 2010 destiné aux investissements d’avenir, est un exemple significatif. Ambitieuses, ces dépenses n’ont au final représenté que 26 milliards d’euros sur les 650 de dette publique supplémentaire contractée entre 2007 et 2012.

Quand plus de fiscalité aboutit à moins de recettes fiscales…

Ces constats appellent une refonte profonde des finances publiques. Parmi les initiatives souhaitables, la plus basique consiste à abroger les « services votés », un principe totalement anachronique qui permet la reconduction systématique, chaque année, de certaines dépenses publiques. Une autre piste est la rationalisation des charges de l’État et des collectivités, avec l’abandon par l’État, de certaines missions non régaliennes transférables au secteur privé. C’est le cas, par exemple, de l’animation des relations sociales employeurs-employés dont le Ministère du Travail a aujourd’hui la charge.

Ces mesures permettraient d’alléger les coûts de fonctionnement monstrueux du Ministère, qui représentent 11 milliards d’euros par an. Et du côté des échelons administratifs locaux, la fusion des conseils régionaux et généraux pourrait être bénéfique dans le cadre de la réforme territoriale. L’enjeu n’est pas tant de supprimer ou fusionner, certains départements ou régions en tant qu’entités géographiques et identitaires. Il faut conserver ces unités territoriales telles qu’elles existaient avant la réforme, mais éliminer en revanche les dépenses superflues : en supprimant les conseils généraux et en transférant leurs compétences locales à l’échelon des conseils régionaux. Il faut surtout un changement de paradigme et s’affranchir de l’idée reçue selon laquelle La recrudescence de l’imposition améliore nécessairement les recettes fiscales de l’Etat (qui contribue in fine à la réduction du déficit budgétaire).

Il est pourtant constaté qu’avec un taux global de prélèvements sur les PME inférieur de 15 points à celui de la France, l’État allemand collecte 15% de recettes fiscales en plus. A vouloir trop augmenter les taux de prélèvements, l’État français aboutit à une situation où l’assiette de l’impôt baisse plus vite que le taux n’a augmenté. L’accumulation des strates de taxation, usuelle ou exceptionnelle, est de nature à éroder la compétitivité des entreprises et le moral des entrepreneurs : au-delà d’un certain seuil, la pression fiscale nuit aux recettes fiscales de l’État en raison notamment d’un effet « d’incitation inversée », qui amène les entreprises à moins d’efforts. Un taux d’imposition plus bas suffirait à l’État pour collecter des recettes fiscales identiques ou supérieures.

Nous avons ici un cas d’application de la théorie de Laffer, selon laquelle « trop d’impôt tue l’impôt ». En résumé, l’Etat doit s’efforcer de dépenser moins, et surtout, mieux. S’il souhaitait abaisser ses dépenses publiques de 50 milliards d’euros, il lui faudrait non pas infliger des coupes sèches à hauteur de ce montant, mais plutôt réduire de 80 milliards ses dépenses, tout en consacrant 30 milliards à des dépenses d’investissement bien ciblées !

À propos de l'auteur : Christian Jimenez est p-dg de Diamant Bleu Gestion, une société de gestion, et professeur agrégé d'économie.



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