Economie et société - Les clés pour comprendre l'actualité

"Les dépenses de santé doivent figurer dans la colonne investissement"

14 Octobre 2011
Propos recueillis par Vincent Paes
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Entretien avec Denis Garnier, membre du Conseil Supérieur de la Fonction Publique hospitalière et auteur de L’hôpital disloqué

Économie et société : Quels sont les éléments favorisant la précarisation des employés hospitaliers ?

Denis Garnier, auteur de L'hôpital disloqué
Denis Garnier, auteur de L'hôpital disloqué
Denis Garnier : Les contraintes financières qui pèsent sur l’hôpital peuvent être placées au premier rang. L’emploi précaire « coûte » moins cher, ne progresse pas en carrière. Il est aussi plus malléable pour répondre aux urgences, plus soumis aux changements intempestifs d’horaires, etc… Il est plus facile d’exercer son pouvoir contre les faibles. Ce sont essentiellement des postes du bas de l’échelle. Des directeurs recrutent aussi des agents contractuels sur des postes de haute technicité parce que le salaire offert par le statut reste insuffisant. Mais le niveau anormalement élevé du nombre de contractuel peut aussi prévenir de la privatisation prochaine - pas avant mai 2012 - d’un hôpital disloqué entre la finance et l’éthique.

Économie et société : Un hôpital peut-il être rentable ?

"Est-ce que la vie est rentable ? L’hôpital c’est la vie !"
"Est-ce que la vie est rentable ? L’hôpital c’est la vie !"
D. G. : Est-ce que la vie est rentable ? L’hôpital c’est la vie ! À cette question, j’oppose dans mon livre l’avis n°101 du Comite National d’Ethique des sciences et de la vie. Il précise que l’hôpital a dérivé de sa mission originelle d’accueil de la précarité et de la maladie, puis de sa mission de recherche et d’enseignement, vers la situation actuelle qui fait de plus en plus de l’hôpital un service public, industriel et commercial qui a pour conséquence de déboucher sur un primat absolu donné à la rentabilité économique, au lieu de continuer à lui conférer une dimension sociale. Il recommande le maintien du lien social pour éviter que la personne ne sombre dans l’exclusion une fois le diagnostic fait et le traitement entrepris. Il conclut ainsi : « Quelle logique est à l’œuvre, si le succès médical est suivi d’une mort sociale ? »

Alors oui, un hôpital peut être rentable pour une société en marche. Il répare les accidents de naissance pour permettre la normalité. Il amortit les accidents de la vie, rééduque les accidentés, accueille sans préalable tous les expulsés de la performance et accompagne chaleureusement nos anciens dans leurs derniers jours. Un hôpital est à la société ce que le mécanicien est au véhicule. Si vous entretenez votre véhicule vous n’aurez pas besoin du mécano.

Économie et société : Selon vous, serait-il pertinent de faire un rapprochement entre la dégradation de l’éducation et celui du monde hospitalier ?

D. G. : Il y a un enjeu commun ; celui de réduire les dépenses publiques pour répondre aux injonctions de l’économie mondialisée qui dirige désormais les Etats.
Concernant l’éducation, les observateurs internationaux de ce secteur soulignent la dégringolade de la note de la France dans le niveau de l’instruction. Les élites, quant à elles, ont leurs écoles privées. Lorsque le gouvernement mondialisé de la France sacrifie l’éducation, on ne peut s’empêcher de penser que c’est un acte volontaire qui vise à cantonner le peuple dans l’ignorance qui favorise son inertie.

Concernant le monde hospitalier les enjeux sont un peu différents. Bien sûr le souci d’économie est constant. Mais les objectifs à plus ou moins long terme pour le gouvernement mondialisé de la France, consistent à mettre l’hôpital dans un tel état de délabrement que le recours au secteur privé, aux marchands de santé, apparaîtra comme le seul possible. Ce jour là, effectivement, l’hôpital deviendra rentable. Le libéralisme mondialisé fabriquera des accidentés de la vie et du travail qui seront réparés à l’hôpital mondialisé. La boucle est bouclée. Notre avenir est assuré…. par des assurances mondialisées.

Économie et société : En lisant le livre, on a le sentiment qu’il n’y a plus de retour en arrière possible. Pensez-vous qu’il soit déjà trop tard ?

"Un grand emprunt pour la prévention"
"Un grand emprunt pour la prévention"
D. G. : Le retour en arrière n’est pas une expression que j’utilise. Ce qui est passé est passé et il faut regarder ce qu’il est possible de faire pour améliorer le présent et l’avenir. Si l’hôpital doit rester au cœur d’un système de santé il ne peut se soustraire à son environnement et surtout s’exempter d’un véritable projet de santé publique. Le problème en France c’est qu’il n’y a pas de politique de santé. Il n’y a que des objectifs de dépenses à respecter! Il faut rappeler la définition de la santé donnée par l’Organisation Mondiale de la Santé : "La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité."

Les dépenses de santé doivent donc figurer dans la colonne investissement. Est-il trop tard ? Quel âge a l’humanité ? Ce n’est pas parce que quelques usurpateurs de passage ont kidnappé l’humanité nécessaire à toute émancipation collective que l’espérance dans cette humanité doit être abandonnée. Mais pour cela, le savoir est indispensable à l’indignation, fondation de la prochaine transition.

Économie et société : Quelles sont les grandes mesures que vous mettriez en place pour améliorer la situation ?

D. G. : Un grand emprunt pour la prévention ! Commençons par les risques professionnels avec un objectif. Faire baisser les absences au travail de 10 %. Selon plusieurs études le retour sur investissement (RSI) d’un tel plan est inférieur à 5 ans et, certains investissements s’amortissent sur moins de deux ans. 10 % de moins cela représente l’équivalent de 10 000 emplois supplémentaires pour les hôpitaux. Mais ce n’est pas tout. Les économies en dépenses de santé sont dégagées. Le drame en France c’est qu’aucune étude systémique n’est réalisée pour mesurer les incidences de la prévention sur tous les « compartiments » de la société.

Lorsqu’un salarié est bien dans son travail, il ne consomme pas de psychotropes, il ne s’arrête pas à la moindre faiblesse, il ne prend pas de poids, il évite les risques cardio-vasculaires, etc… La prévention doit devenir un objectif prioritaire et les économies réalisées seraient réaffectées, dans la qualité, la prévention primaire, la création d’emploi et enfin la réduction des dépenses de santé. L’intensification du travail se détendra, la qualité du travail s’améliorera, les professionnels retrouveront la fierté du travail bien fait et les malades retrouveront non seulement la chaleur d’un sourire mais aussi le réconfort des mots qui rassurent. Un hôpital magnétique !

Pour lire un autre entretien de Denis Garnier, cliquez-ici.



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