Economie et société - Les clés pour comprendre l'actualité

La Russie, l’eldorado sous-exploité des entreprises françaises

4 Novembre 2016
Jean-Charles Deconninck
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Annexion de la Crimée, sanctions, chute du rouble… Depuis quelques temps, la Russie n’a pas bonne presse en France. Au point d’apparaître comme un pays dont l’infréquentabilité supposée justifierait de s’asseoir sur la vente de deux porte-hélicoptères (les fameux Mistral) pour un milliard d’euros ? Soyons clair, il ne s’agit pas pour moi d’adopter la posture d’un zélateur. Comme tous les états, la Russie a sa part d’ombre et sa complexité. Toutefois l’analyse d’un état uniquement à l’aune de ses imperfections conduit trop souvent à une mauvaise connaissance de sa réalité et à des décisions contre-productives sur le plan économique. Alors que l’actualité récente pourrait donner le sentiment que Français et Russes n’ont rien en commun, un bref coup d’œil dans le rétroviseur nous rappelle le contraire.

D'importantes débouchés

Pendant longtemps France et Russie se sont mutuellement inspirées. Par exemple, la cour russe du 18è siècle a été un soutien financier majeur des philosophes des Lumières. Plus tard, aiguillonnés par la Révolution française, les jeunes frondeurs de l’insurrection décembriste de 1825 réclameront une constitution aux cris de « Liberté, Egalité, Fraternité ». Au 20ème siècle, la convergence entre nos deux pays a même pris un tournant héroïque lors de la seconde guerre mondiale avec la collaboration de l’escadron de chasse Normandie-Niemen et de l’armée de l’air russe pour contrer l’offensive nazie sur le front est. A l’évidence France et Russie ont toujours été proches. Des affinités historiques et culturelles que nos entreprises auraient tout intérêt à transposer dans le domaine économique. Pourquoi ? La Russie regorge de débouchés pour nos entreprises.

D’ailleurs, l’Allemagne l’a très bien compris. Ses entreprises constituent le premier contingent d’organisations étrangères en Russie (environ 6 000). Certes, nos entreprises ne sont pas en reste. Récemment, L'Occitane a racheté sa part dans sa filiale russe moyennant plus de 40 millions d'euros. Et Bonduelle, qui fabrique depuis des années des conserves en Russie, a déclaré vouloir se lancer dans le surgelé et prévoit d'augmenter de près de 10% ses capacités de production dans les deux ans à venir. Mais nous pouvons faire encore plus, même avec l’embargo qui pèse actuellement sur le pays ! Et les possibilités ne manquent pas. Notamment dans le domaine de l’agro-industriel et la logistique. Après la crise de 1998, provoquée par la transition libérale de 1991, le pays a amorcé une deuxième étape économique marquée par un retour de l’état et l’amorce d’une politique industrielle.

Aujourd’hui sous le coup des sanctions internationales qui la privent d’un certain nombre de produits de consommation, le gouvernement russe a décidé de soutenir activement la filière agricole pour substituer les importations. Mais cette substitution ne se fera pas du jour au lendemain. Le pays a longtemps manqué de vision à long terme et d’équipements adéquats pour exploiter la générosité de ses sols (20% des récoltes du pays sont perdues par manque d’équipement). Les sociétés françaises dont le savoir-faire dans l’industrie agro-alimentaire et mécanique n’est plus à démontrer ont les moyens de contribuer à cette ambition. Je pense à nos multinationales mais aussi à nos PME.

Problèmes d'infrastructures

La Russie possède le territoire le plus vaste du continent (environ 17 millions de kilomètres carrés)… Et donc des besoins logistiques uniques. Pourtant, selon une étude menée récemment par l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Economiques, seules 3% des entreprises interrogées possèdent une stratégie logistique clairement établie. Et ces 3% représentent principalement des grandes entreprises étrangères opérant sur le marché russe ! Manifestement la logistique ne bénéficie pas encore de toute l’attention qu’elle mérite. Certes, de grands acteurs français tels que FM Logistic, Norbert Dentressangle ou Geodis ont apporté leur savoir-faire aux entreprises russes. Mais il reste encore à faire pour favoriser l’émergence de spécialistes qualifiés sur place. Les résultats de cette étude le démontrent. Nos experts français de la logistique – qu’ils soient transporteurs ou éditeurs – saisiront-ils l’occasion ?

Au-delà de la question du savoir-faire logistique, n’oublions pas que le pays est aux prises avec un problème d’infrastructures. Si les principales villes du pays (Saint-Pétersbourg, Moscou…) sont dotées d’artères dignes de ce nom, il n’en va pas de même dans le reste du territoire. Comme le disait avec humour l’homme de lettres Nicolas Gogol « la Russie a deux problèmes : les andouilles et les routes ». En effet, le climat soumet l’équipement routier russe à rude épreuve. La chaleur le fait fondre alors que le froid le casse. Avec deux entreprises figurant parmi les cinq leaders mondiaux du secteur, les spécialistes du BTP français n’auraient-ils pas leur mot à dire ?

A propos de l'auteur : Jean-Charles Deconninck est président du directoire de Generix Group.



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